Zadiquoi ?

Zadistes relaxé·es mais zadistes traqué·es

Le procès de trois occupant·es de la Barzad d’Avignon s’est clôt vendredi 7 novembre dernier. Après un mois d’occupation contre un chantier routier, la zad avait été expulsée le 17 avril 2024. Malgré la relaxe obtenue, l’affaire montre à nouveau comment la justice pénale est utilisée à des fins de répression politique.

Plus d’un an et demi après que la zad ait été expulsée, le procès mettant en cause trois des occupant·es pour « installation en réunion, en vue d’y établir une habitation, même temporaire, sur un terrain privé » s’est terminé sur une relaxe. Pas de surprise pour les avocat·es : il s’agit d’un « dossier vide ». En revanche, iels dénoncent une justice pénale « utilisée à des fins d’expulsions, avec la volonté d’écraser toutes revendications politiques et oppositions au projet ».

Chasse aux zadistes

En mars 2024, suite à un signalement de l’Association de sauvegarde de la ceinture verte d’Avignon (ASCVA) au sujet de la destruction prochaine d’un corps de ferme, le mas de Barre, une dizaine de militant·es de plusieurs collectifs se mobilisent pour l’occuper. Les bâtiments sont la propriété de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) de la région Sud. Celle-ci les a acquis dans le cadre du projet de la « Liaison Est-Ouest », dit LEO, visant à créer un contournement routier de la ville d’Avignon. Problème : le tracé passe pile-poil dans une zone agricole, que défendent de longue date des associations comme l’ASCVA au nom de la préservation des terres nourricières et de l’autonomie alimentaire.

Insupportable espace de vie et de lutte, que le préfet du Vaucluse – fraîchement débarqué de Mayotte – se dépêche de faire évacuer

À partir du 7 mars, le mas de Barre devient donc une zone à défendre « pour dénoncer et bloquer le chantier » explique Pablo*, membre d’un collectif de soutien aux personnes prévenues dans l’affaire. La zad est aussi « un lieu d’accueil, où même une famille avec des enfants s’est installée ». Insupportable espace de vie et de lutte, que le préfet du Vaucluse, fraîchement débarqué de Mayotte1, se dépêche de faire évacuer manu militari. Le 17 avril 2024, à huit heures du matin, et sans qu’aucun avis d’expulsion n’ait été notifié, les personnes présentes « sont nassées dans un hangar, insultées et intimidées ». Neuf sont envoyées en garde à vue.

Magouille pénale

C’est là que la magouille commence. « D’abord placé·es en garde à vue sur délit de squat, les militant·es ressortent accusé·es d’installation en réunion sur un terrain privé », détaille l’une des avocat·es. Autrement dit, « ils ont changé le chef d’inculpation au milieu de la procédure ». Sept personnes écopent alors d’une ordonnance pénale, à laquelle trois d’entre elles décident de faire opposition. Selon Pablo, « cette procédure a été mise en place pour tenir le plus longtemps possible les occupant·es à distance pendant qu’ils muraient la maison ». En effet, dans une procédure civile d’expulsion classique, les militant·es auraient dû être préalablement averti·es, et l’évacuation aurait pris plus de temps.

« Si on ne peut plus condamner des gens sans preuves, on ne pourra plus jamais condamner personne »

Un an plus tard, alors que les trois prévenu·es se présentent devant le tribunal correctionnel d’Avignon, la juge s’exclame : « Qu’est-ce qu’ils font ici ceux-là, ils vont contester l’autorité jusqu’au bout ? » Oui, madame la présidente. « Et vous allez plaider la relaxe ? Super. » Les zadistes y tiennent, car selon eux, le délit est nul : « Rien n’indique qu’ils étaient sur place avant le jour de l’évacuation des lieux », affirme Pablo. Une relaxe qui, selon les avocats , aurait fait grincer le procureur : « Si on ne peut plus condamner des gens sans preuves, on ne pourra plus jamais condamner personne. »

Les trois militant·es ont appris leur relaxe le 7 novembre dernier, mais iels sont désormais inscrit·es au fichier du traitement d’antécédents judiciaires (TAJ). Le projet LEO, quant à lui, est enterré. Et Pablo de conclure : « Pénalement, ils ont raté leur coup mais politiquement, ils ont gagné. »

Laëtitia Giraud

Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.

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1 Préfet de Mayotte entre juillet 2021 et mars 2024, Thierry Suquet était notamment aux manettes de l’opération Wuambushu.

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CQFD n°247 (décembre 2025)

Si le dieu capitaliste adore les festivités de Noël, les victimes d’inceste, elles, se mettent en mode survie pendant le mois de décembre. Contre la mécanique du silence de ce système de domination ultraviolent envers les enfants, on a décidé de consacrer notre dossier du mois à ce sujet. On en a parlé avec la plasticienne et autrice Cécile Cée, victime d’inceste, qui milite pour sortir l’inceste du silence, puis nous sommes allé·es à la rencontre de témoins, co-victimes, d’inceste au rôle primordial. On fait un zoom sur les spécificités des récits littéraires de l’inceste ainsi que sur l’échec de la justice à protéger les enfants et les mères protectrices. Hors dossier, on fait le point sur un texte de loi qui a permis l’expulsion de Reda M., pourtant victime des effondrements de la rue d’Aubagne, et la docteure en anthropologie Aline Cateux évoque les 30 ans des accords de Dayton dans un entretien sur la Serbie.

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