Rentrer dans le l’art
L’immonde culture de l’inceste
Selon l’essayiste féministe Valérie Rey-Robert, la culture du viol s’appuie sur des représentations qui excusent les agresseurs et culpabilisent les victimes. Pour l’inceste, le mécanisme est similaire : un imaginaire nourri de récits, de symboles et de mythes qui transforment une domination adulte en histoire d’amour impossible, en provocation arty ou en simple ressort narratif. L’inceste est partout, mais jamais nommé pour ce qu’il est.
L’exemple le plus emblématique reste Serge Gainsbourg et sa fille Charlotte. En 1984, la chanson « Lemon Incest » met en scène le chanteur et son aînée de 14 ans, dans une chorégraphie calquée sur ses fantasmes. À la télévision comme dans le clip, elle apparaît en culotte blanche, lui torse nu. Les paroles (« L’amour que nous n’ferons jamais ensemble / est le plus beau, le plus violent ») célèbrent explicitement un désir paternel. Tout cela au vu et au su du pays, dans un silence qui en dit long sur le système incestuel : imposture familiale, complicité du monde culturel, excitation du public. L’inceste est là, face caméra, Charlotte est l’objet de désir de son père, dans le silence assourdissant des spectateurs. Au cinéma, Mathilda dans Léon ou la Lolita du film éponyme de Kubrick, promeuvent l’idée qu’une enfant peut séduire un adulte. La figure de la nymphette s’impose dans les productions culturelles...
Dans Game of Thrones, l’inceste fraternel entre les jumeaux Cersei et Jaime Lannister est présenté comme un amour tragique entre deux êtres « égaux ». Or, comme le rappelle la journaliste Iris Brey dans La Culture de l’inceste : « L’inceste dans une fratrie se déploie presque toujours dans un climat familial incestuel. » La série naturalise un lien incestueux en déniant la domination masculine systémique et en neutralisant tout effet de violence patriarcale.
Le porno mainstream participe lui aussi à cette banalisation. Dans La Culture de l’inceste, Ovidie montre que le tag le plus recherché est « step-mum ». Une belle-mère séductrice et décomplexée initie un jeune homme qui semble ravi : aucune conséquence, aucune sidération, aucune violence. L’inceste devient un simple fantasme.
Cette normalisation et ce déni culturel s’inscrit dans un héritage culturel très français : celui de la « libération sexuelle » soixante-huitarde, portée comme un étendard progressiste mais qui, dans les faits, a légitimé des discours pédocriminels. Au point de théoriser un droit des adultes à « éveiller » sexuellement des enfants. L’écrivain pédocriminel Gabriel Matzneff en est le porte-étendard. Longtemps invité sur les plateaux télé, soutenu par l’édition et les milieux intellectuels bourgeois, cet immonde personnage livrait ses aventures sexuelles avec des mineurs comme une posture littéraire, défendant une vision « anti-moraliste ».
Tant que la culture romantisera, sexualisera ou minimisera l’inceste, les agresseurs continueront de violer. Parce que la violence est un continuum. Nommer et représenter l’inceste dans sa dimension systémique est le premier pas pour en finir avec le déni collectif et protéger les enfants.
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CQFD n°247 (décembre 2025)
Si le dieu capitaliste adore les festivités de Noël, les victimes d’inceste, elles, se mettent en mode survie pendant le mois de décembre. Contre la mécanique du silence de ce système de domination ultraviolent envers les enfants, on a décidé de consacrer notre dossier du mois à ce sujet. On en a parlé avec la plasticienne et autrice Cécile Cée, victime d’inceste, qui milite pour sortir l’inceste du silence, puis nous sommes allé·es à la rencontre de témoins, co-victimes, d’inceste au rôle primordial. On fait un zoom sur les spécificités des récits littéraires de l’inceste ainsi que sur l’échec de la justice à protéger les enfants et les mères protectrices. Hors dossier, on fait le point sur un texte de loi qui a permis l’expulsion de Reda M., pourtant victime des effondrements de la rue d’Aubagne, et la docteure en anthropologie Aline Cateux évoque les 30 ans des accords de Dayton dans un entretien sur la Serbie.
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Paru dans CQFD n°247 (décembre 2025)
Dans la rubrique Le dossier
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Mis en ligne le 27.12.2025
Dans CQFD n°247 (décembre 2025)
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