Voie 49 3/4
Abandon du 49.3 : merci patron !
Évitant de justesse la censure grâce au soutien de députés qui ne partagent avec le socialisme qu’un substantif, Lecornu promettait lors de sa déclaration de politique générale du 14 octobre de renoncer à l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le budget de l’État. En laissant l’Assemblée nationale et le Sénat débattre des recettes et des dépenses publiques pour l’année 2026, la macronie agonisante s’évite un nouveau risque de censure et s’offre un ripolinage démocratique à moindre frais. Après avoir malmené les institutions de la démocratie bourgeoise, elle assure « changer de méthode » dixit son Premier ministre. En réalité, l’exécutif a simplement changé d’outil. Même logique, autre tournevis.
D’abord, la LOLF, la fameuse Loi organique relative aux lois de finances. Son acronyme fleure bon le sigle de comptable heureux, mais son effet tient plus de la camisole que du tableur. Elle range les dépenses en missions et programmes soigneusement verrouillés, plafonnés. Le Parlement peut y toucher, certes – à condition de ne pas toucher aux murs porteurs. En d’autres termes, il peut décider de supprimer des dépenses ou de redéployer de l’argent d’une politique publique vers une autre mais seulement si elles sont dans le même bloc. Interdit de supprimer trois canons Caesar pour financer l’éducation. Envie de plus de moyens pour l’école primaire ? Il faudra rogner sur le secondaire.
Ensuite, l’inusable article 40 de la Constitution, le cadenas en or massif de la Ve République. Il interdit à tout député ou sénateur de faire passer un amendement ou une proposition qui augmenterait la dépense publique, même d’un ticket de métro. Vous pouvez toujours inventer des recettes : taxe « trucmuche », impôt plus progressif, contribution de justice ou redevance sur les yachts de luxe – rien n’y fera. Pourquoi ? Parce que le gouvernement garde la main sur le montant des dépenses publiques et sur leur répartition. Résultat : le débat parlementaire sur les dépenses devient un exercice d’équilibrisme dans une cage à chiffres.
Et surtout, ultime carte dans la manche du gouvernement : l’article 47 de la Constitution. Soixante-dix jours, pas un de plus : passé ce délai, que les élus ne soient pas parvenus à voter un budget pour l’année à venir, et hop ! le gouvernement boucle tout par ordonnance. Sans vote, sans honte, sans Parlement. Et dans une Assemblée sans majorité claire, l’affaire est probable. Pour Macron c’est l’opportunité de se replacer en garant de la « stabilité des institutions ». Depuis sa création en 1958, l’article 47 n’avait jamais été utilisé, les gouvernements disposant jusqu’alors d’une majorité à l’Assemblée nationale, ou à tout le moins d’assez de députés pour éviter une censure en cas de 49.3. Si la macronie se passe de ce dernier, ce n’est pas par vertu, c’est qu’elle a trouvé plus sournois encore.
Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.
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CQFD n°246 (novembre 2025)
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Paru dans CQFD n°246 (novembre 2025)
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Mis en ligne le 21.11.2025
Dans CQFD n°246 (novembre 2025)
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