L’édito du 189

Tout le monde a peur de la police, même Castaner

Surarmés en LBD, drones et tasers, jouissant d’une impunité judiciaire, les forces de l’ordre bénéficient d’un rapport de force considérable face à un État qui n’a pu compter que sur la police pour mater les contestations sociales depuis la loi Travail de 2016.

C’est un oxymore qui a mis le feu aux poudres. Le 8 juin dernier, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, déclarait que les policiers contre lesquels il y aurait un « soupçon avéré » de racisme seraient dorénavant suspendus. Sous pression des mobilisations Black Lives Matter et du Comité Adama, il annonçait dans la foulée l’interdiction du recours à la clé d’étranglement.

En dépit des morts, des éborgnements, des alertes régulières de Human Rights Watch ou Amnesty International sur les dérives policières en France, les forces de l’ordre pouvaient habituellement se reposer sur le mantra du pouvoir : les violences policières n’existent pas.

Qu’importe la tentative désespérée de Castaner de revenir sur ses propos, les flics sont depuis en roue libre. En dépit de leur devoir de réserve et de l’interdiction qui leur est faite de défiler en uniforme, les manifestations sauvages de policiers se multiplient sous prétexte que la hiérarchie les « [lâcherait] en pâture ».

Si le lancer de menottes filmé façon travelling par les chaînes d’info vient désormais systématiquement marquer ces actions, ces dernières montrent surtout l’étendue du déni au sein des forces de police. Le 24 juin, une centaine de pandores déposaient leurs matraques au sol à Strasbourg. L’objet de leur colère ? L’un des leurs venait d’être condamné à quelques mois de prison avec sursis pour avoir fracassé le crâne d’une mamie de 62 ans – un coup de matraque, onze points de suture. Deux jours plus tard, des policiers s’agglutinaient devant le Bataclan, à Paris, ne comprenant pas pourquoi les Français les applaudissent quand ils les sauvent mais pas quand ils les étranglent.

Mais, au-delà d’étouffer des Noirs, des Arabes et parfois un livreur à scooter, la police cherche aussi à étouffer toute voix dissonante. Le lendemain, des dizaines de policiers se sont amassés devant la Maison de la Radio à Paris, histoire de faire pression sur les journalistes.

Quelques jours auparavant, le syndicat Alliance obtenait de la part du préfet de Seine-Saint-Denis de mettre en demeure le maire de Stains de retoucher une fresque en hommage à George Floyd et Adama Traoré. Le terme « policières » devra être effacé de la formule « violences policières ». Enfin, Unité SGP Police FO s’en est pris au conseil régional d’Île-de-France pour avoir accordé un financement à un film réalisé par le journaliste David Dufresne, qualifié d’ » antiflics primaire ».

Surarmés en LBD, drones et tasers, jouissant d’une impunité judiciaire, les forces de l’ordre bénéficient d’un rapport de force considérable face à un État qui n’a pu compter que sur la police pour mater les contestations sociales depuis la loi Travail de 2016 1.

Le 19 juin dernier, dans un train de banlieue parisienne, un policier effectuait brusquement une clé d’étranglement sur une de ses collègues pour lui faire découvrir l’efficacité de cette technique. Résultat : deux vertèbres déplacées, l’agente a déposé plainte et l’IGPN, la police des polices, s’est saisie de l’affaire. Lueur d’espoir : et s’ils s’étranglaient entre eux ?


1 À cela s’ajoute le taux extrêmement élevé de syndicalisation au sein des flics – 7 agents sur 10, un taux record dans la fonction publique –, une cogestion syndicats-administration et une extrême droite qui n’hésite jamais à abonder leurs revendications.

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