Sur la page d’accueil du site de la société Biotope, il y a pléthore de petits animaux mignons : flamands roses, dauphins, tritons… Et une libellule pour logo. On voit des éoliennes, des poissons, une pastille verte qui fait très… bio. Dans leur texte de présentation, les mots « écologie » et « environnement » dégoulinent quatre fois en seulement deux phrases ! Ça, c’est une start-up de « Khmers verts », à n’en point douter.
Mais bien vite on comprend qu’il n’en est absolument rien. Leurs métiers nous mettent déjà la puce à l’oreille : ingénierie environnementale, conseil, communication et édition. Et pour qui travaillent-ils ces gens là ? Pour les dauphins et les pâquerettes ? Non. Les clients de Biotope sont parfois des parcs naturels, mais aussi et surtout des grosses boîtes qui sont à l’écologie ce que le feu est à la garrigue : un ennemi irréconciliable. Par exemple… Vinci ! Pour laquelle Biotope est chargée de réaliser l’étude d’impact écologique du fameux aéroport de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes…
Pour tous grands travaux, la loi française oblige en effet à réaliser une étude d’impact écologique, afin de compenser les dégâts environnementaux qui en résultent. Le calcul de ces compensations, l’émission de rapports, c’est le boulot de Biotope – grassement payée, près de 200 000 euros –, qui sert ainsi de caution écolo au bétonnage de cette zone humide et de ses habitants.
Alors, comment ses 240 « collaborateurs […] passionnés de nature » arrivent-ils à marier les « valeurs » que leur entreprise revendique (indépendance, écologie, « passion pour l’environnement », écoute) avec le fait de travailler pour l’un des plus grands bétonneurs et pollueurs mondiaux qu’est Vinci ? Mais parce que business is business, même green ! Le cabinet d’audit financier Ernst and Young ne s’y est pas trompé en décernant en 2011 le prix de l’Entrepreneur de l’année à Biotope, qui vient s’ajouter à une ribambelle d’autres prix tous plus écologiquement douteux les uns que les autres : « prix de l’Ambition » de la Banque Palatine, « prix de la Performance » remis par Les Échos et, ô la belle médaille en chocolat, la carte Corporate d’Air-France !
Dans la nuit du 16 au 17 novembre 2013, les bureaux nantais de Biotope ont été cambriolés, vandalisés – et ce n’était pas la première fois. Dans leur communiqué de presse, la société fait elle-même le lien avec le projet d’aéroport, tout en se voilant maladroitement la face derrière son statut « d’expert indépendant et neutre », brandissant son « objectivité scientifique » et déplorant « l’amalgame qui est parfois fait entre les enjeux politiques des projets et le rôle d’expertise objective ». Il semble que les malfaiteurs aient justement voulu contredire cette « neutralité ».
Biotope n’est que l’une des nombreuses entreprises qui constituent l’armée de sous-traitants de la multinationale Vinci à Notre-Dame-des-Landes. Parmi celle-ci, on trouvera Dervenn – « génie écologique et biodiversité » –, acteur sur la question des « compensations écologiques ». Ou encore Chupin Espace vert, petite boîte chargée de l’élagage et du défrichage de la zone. Ces fameuses boîtes sous-traitantes – PMI et PME mais pas seulement – sur le sort desquelles on larmoie chaque fois qu’un géant industriel abandonne une région soudain sinistrée, et les précieux emplois qui vont avec, ces points de croissance perdus ou gagnés. Sans trop s’attarder sur les conditions de travail souvent déplorables, ni sur le sens de ce travail.
Et c’est pourquoi le blog Adopteunsoustraitant a été créé pour lancer une campagne visant à révéler les sous-traitants qui s’impliquent dans le projet d’aéroport cher à Jean-Marc Ayrault. Leur objectif est de fournir une large documentation sur ces entreprises pour permettre à tout un chacun de faire pression, d’une manière ou d’une autre, sur ces boîtes qui sont autant de parpaings dans le mur de la construction de ce projet nuisible. Cela peut aller de l’appel téléphonique insistant à la fanfare matinale, en passant par toutes sortes de petites blagues innocentes… Pour que les employés de ces boîtes gardent en tête qu’ils collaborent avec Vinci. Et que la neutralité, dans ce bas monde, ça n’existe pas.