Mais qu’est-ce qu’on va faire de... Pascale Léglise ?

Trouver une tête-à-claques à claquer, un concept fumeux à fumer, une quiche à entarter... C’est la raison d’être de notre chronique Mais qu’est-ce qu’on va faire de.... Aujourd’hui : la juriste en chef du ministère de l’Intérieur, prototype de la fonctionnaire prête à tout.

Rendons justice à nos charmants confrères du Point, ils ne font pas que casser du sucre sur le dos des fonctionnaires trop nombreux, trop coûteux : ils savent, quand l’occasion se présente, rendre hommage aux plus méritants d’entre eux. Ainsi, ils consacraient début décembre un long portrait à Pascale Léglise, haute-fonctionnaire par trop méconnue du grand public. Cette « petite brune drôle et énergique aux cheveux courts, pétrie d’autorité »1 est depuis un moment une des juristes en chef du ministère de l’Intérieur. Depuis juin 2021, elle endosse la fonction de « directrice des libertés publiques et des affaires juridiques ». Tout un programme.

On apprend dans ce papier que notre vedette du jour a la cote auprès des locataires successifs de la place Beauvau, et pas du seul très droitier Darmanin, à l’origine de sa promotion. Ainsi, le hollandien Bernard Cazeneuve « ne se lançait pas sur un sujet, aussi politique soit-il, avant d’avoir pris [son] avis ». C’est dire l’importance du personnage qui, avant même de devenir l’adjudante-cheffe de nos libertés, en prenait déjà le plus grand soin.

Cela fait quelques années en effet que Léglise est en première ligne quand il s’agit de bricoler des dispositifs légaux à la va-vite. « L’état d’urgence, rédigé en une nuit après les attentats de 2015 ? C’est elle. » Elle en défendra d’ailleurs mordicus tous les abus. Car ce n’est pas la moindre de ses missions que de porter haut les positions de l’État sur les dossiers les plus nauséabonds, devant toutes les juridictions possibles, des tribunaux administratifs au Conseil d’État. Pour le compte du ministère, Pascale Léglise a donc défendu l’usage du flash-ball par les forces de l’ordre en plein mouvement des Gilets jaunes, l’utilisation de drones pour surveiller le déconfinement au printemps 2020, la suspension de l’autorisation du burkini dans les piscines grenobloises, la non-obligation de remettre en état salubre les locaux de garde à vue… ou encore l’assignation à résidence « des militants radicaux, des écolos de Greenpeace aux fondus d’armes à feu d’ultradroite ». N’en jetez plus, la liste est trop longue !

Ces derniers temps, notre serviteure de l’État, toujours droite dans ses bottes, a particulièrement fait parler d’elle, puisqu’on la retrouve à la manœuvre derrière la série de dissolutions administratives d’associations qui déplaisent au pouvoir macroniste. Une chasse aux organisations du mouvement social jugées trop « radicales » dont le Bloc lorrain est la dernière victime en date2. Cela lui a valu un chouette surnom de la part de ses collègues : « Destop ». Dans les couloirs du ministère, on sait dissoudre dans la bonne humeur.

Dans les colonnes du Point, Léglise assume fièrement et envoie balader les critiques qui pointent l’aspect un chouïa liberticide de son action, en mode berger protégeant le troupeau : « Si l’on agit, c’est [...] toujours pour garantir l’ordre public, qui est la première des libertés et la condition nécessaire pour que les droits et libertés de chacun puissent s’exercer. » La liberté, c’est l’ordre… Avec un tel argumentaire, ce prototype de la fonctionnaire sans états d’âme nous promet encore de bien belles choses. Tiens, pourquoi pas très bientôt la mise à mort du droit de grève, source de tant de désordre ? Ah ! Le Point nous apprend en fin d’article qu’elle y travaille déjà : cet automne, c’est elle qui était en charge des réquisitions des travailleurs en lutte dans les raffineries. Dormez braves gens, les « libertés publiques » sont sous bonne garde.

Benoît Godin

1 « Pascale Léglise, la soldate de la République », Le Point, 6 décembre 2022. Toutes les citations de cette chronique en sont tirées.

2 À (re)lire dans votre CQFD du mois dernier : « Le gouvernement prêt à dissoudre le mouvement social ».

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1 commentaire
  • 22 juillet 2023, 19:00, par Max Lezard

    J’ai aussi entendu parler de Mme Léglise (j’ai d’abord cru que son patronyme était un gag, compte tenu du sujet ...) à propos de la censure d’un livre intitulé « Tout petit », destiné a priori aux ados de 15 ans et plus et dans lequel certains passages ont été jugés trop « crus » pour nos chères têtes blondes (ou brunes). Quand on lit attentivement les passages en question sans les sortir du contexte, c’est au contraire plutôt didactique, l’histoire tournant en gros sur l’éveil de la sexualité chez un ado qui s’interroge sur la taille de son sexe (qui, à cet age là, n’a jamais joué entre camarades à faire des comparaisons parfois ... humiliantes ?). Dans la société macronienne, on dissout des associations activistes dans le domaine de l’écologie, et on met en avant une pudibonderie d’un autre âge...

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CQFD n°216 (janvier 2023)

Pour ouvrir 2023, un dossier « Développement personnel, régressions collectives ». Avec notamment un long entretien avec le réalisateur du documentaire « Le business du bonheur ». En hors-dossier, on parle de la déferlante législative anti-squat, de la révolte (révolution ?) iranienne (notamment à travers le rôle central des femmes), des indigènes et de la gauche au pouvoir au Mexique, de mares à grenouilles comme outil de lutte du côté de Dijon, de la grève des salarié.es du nettoyage à Lyon Perrache... Deux longs entretiens sont aussi au menu : Jérémy Rubenstein revient sur l’histoire (et l’actualité) de la contre-insurrection à la française et Tancrède Ramonet nous parle de sa série documentaire « Ni dieu ni maître » consacrée à l’anarchisme. Et comme c’est la nouvelle année, un cadeau : le retour du professeur Xanax de la Muerte qui vous offre votre horoscope 2023 !

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