Écolos not dead

La croisade du triton crêté

Commis à quatre mains par le sociologue Fabien Hein et l’éditeur du Passager Clandestin Dom Blake, Écopunk narre par le menu l’esprit DIY punk. Entre le reflux du Flower Power des années 70 et l’accouchement altermondialiste du contre-sommet de Seattle au tournant du siècle, le DIY n’a cessé d’explorer et de modéliser des formes de vie et de contestation tendues vers la réconciliation entre l’humain et son environnement. On y croisera quelques figures tutélaires bien connues des milieux décroissants et autres critiques du progrès industriel : Élisée Reclus, Günter Anders, Lewis Mumford, etc. La table des matières balaiera large : du véganisme au rejet de la bagnole (« arme de destruction massive » !) en passant par des actions d’éco-sabotage. Sentinelle sur un éternel qui-vive, l’écopunk a les nerfs à fleur de peau quand il constate le saccage de la planète et les usines à steak haché. Quelque chose en lui refuse les œillères, le panurgisme docile de ses contemporains. Alors, de l’Angleterre thatchérienne à la côte ouest américaine post-hippie, il prend acte et s’organise. Crass, Oi Polloi, Conflict : dès 1977, ils seront quelques groupes britanniques à poser les jalons d’une écologie radicale avant que la fièvre verte ne contamine les rives amerloques et d’autres latitudes.

Ayant mis son nez dans la cuisine punk, l’anthropologue Dylan Clark aura ces mots : « Les punks pensent que la nourriture industrielle emplit les corps des normes, des logiques et de la pollution morale du capitalisme et de l’impérialisme […]. Un grand nombre de pratiques, dont le régime alimentaire n’est pas la moindre […] constituent une puissante critique du statu quo. » Antispécisme, véganisme : les nouveaux curseurs bousculent « l’anthropocentrisme hérité de la pensée de Descartes ». Reste que Hein et Blake font aussi œuvre d’esprit critique et n’hésitent pas à pointer les limites de ces nouveaux habitus alimentaires coincés entre « arguments compassionnels, hygiénistes et hédonistes » et une habile récupération par le système. Début des années 80, écloront sur le macadam anglais des manifs telles Stop the city (carnaval contre la guerre, l’oppression et la destruction) et, la décennie suivante, les roboratives Reclaim the streets, « en faveur de la marche, du vélo et des transports publics à bon marché ou gratuits, et contre les voitures, les routes et le système qui les imposent ». Autant de germes semés qui participeront à nourrir les Zad de ces dernières années.

Mais il est une leçon à retenir de l’ingéniosité punk tous azimuts : pessimisme ne rime pas toujours avec fatalisme. Les écossais Oi Polloi n’hésitent pas d’ailleurs à prévenir leur public : « Si vous ne faites pas partie de la solution, c’est que vous faites partie du problème. » Une menace à peine voilée pour rappeler qu’un des premiers carburants de l’effondrement écologique en cours se niche dans les douillets tréfonds de notre stupéfiante passivité.

Écopunk. Les punks, de la cause animale à l’écologie radicale, Fabien Hein et Dom Blake, Le Passager Clandestin, 2016.

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