Mégaloprojets

L’ombre de Vinci plane sur Notre-Dame des Landes

À vingt kilomètres au nord de Nantes, le projet d’aéroport du Grand Ouest se précise. Le 30 juillet dernier, Vinci, le géant français du BTP, a été désigné concessionnaire par l’État pour une durée de cinquante-cinq ans. Les premiers concernés s’organisent.

DEPUIS qu’une poignée d’experts en aménagement du territoire a décrété à la fin des années 60 que Notre-Dame-des-Landes ne deviendrait rien de moins qu’un nouveau « Rotterdam aérien » pour l’Europe, les habitants des communes alentour n’ont pas cessé de s’opposer à cet aéroport. Et pour cause, il voudrait chasser des dizaines d’habitants,une centaine de paysans,et offrir près de 2 000 hectares de terres agricoles au tarmac. « Sans compter toutes les infrastructures qui iront avec l’aéroport : les routes, les ronds-points, les transport en commun, les hôtels, les grandes surfaces, etc. », s’inquiète Claude, un membre du collectif des Habitants qui résistent. Les premiers visés sont d’autant plus déterminés que la ville de Nantes, administrée par Jean-Marc Ayrault, maire et député PS, dispose déjà d’un aéroport. Comment alors justifier un tel projet ?

Les arguments ont changé avec le temps : sécurité, environnement, coût, besoin face à l’affluence, standing, tourisme, développe- ment stratégique… Certains disparaissent, d’autres apparaissent selon la période politique ou la mode du moment. « Au début, il fallait absolument construire cet aéroport pour pouvoir accueillir le Concorde. Puis pour délester les aéroports parisiens. Puis parce que l’aéroport de Nantes était saturé. Et aujourd’hui pour d’impératives raisons de sécurité ! », explique Claude Colas de l’Acipa (Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport). Au problème de sécurité mis en avant ces dernières années, l’Acipa propose un remède : une piste perpendiculaire à la précédente qui per- mettrait aux avions de ne plus survoler la ville. Mais cela n’est pas suffisant pour une élite locale gagnée par le même enthousiasme bétonneur. Son rêve ? Un nouvel aéroport, garanti HQE (haute qualité environnementale), qui permettrait de redessiner une grande mégalopole Rennes-Nantes-Saint-Nazaire, attirer les « classes créatives », de nouveaux investisseurs et permettre ainsi le développement de la région.

Et rien ne semble entamer cet enthousiasme. Pas même la crise. Pour l’ouverture programmée en 2017, Jean-François Gendron, le président de la chambre de commerce et d’industrie, attend de 3,5 à 4 millions de passagers. Un pronostic surprenant lorsque l’on sait, par ailleurs, que l’aéroport de Nantes-Atlantique a accueilli 2,65 millions de voyageurs en 2009, soit 3 % de moins par rapport à l’année 2008. Face à cet acharnement,la résistance ne faiblit pas. Loin de là. La désignation de Vinci a provoqué une large vague de soutien. « On savait qu’un appel d’offres avait été lancé, mais le concessionnaire ne devait être définitivement choisi qu’à la fin de l’année et après la validation du Conseil d’État. Là, les choses s’accélèrent de leur côté comme du nôtre », raconte Allison, une opposante au projet. Mi-juillet,cinq maisons occupées de la ZAD (zone d’aménagement différé) reçoivent une menace de procédure d’expulsion. « Le conseil général a certainement voulu faire place nette avant l’annonce officielle de désignation de Vinci », explique une habitante. Sommés de partir avant le 31 juillet,ils décident de riposter.

Plutôt que de préparer leurs valises, les habitants ont préféré occuper le conseil général de Loire-Atlantique. Leur mot d’ordre : « Non à l’aéroport, ni ici, ni ailleurs ! ». À ce slogan entonné pendant plusieurs heures dans les locaux de l’administration, ils ajoutent : « Au-delà d’une résistance aux expulsions des lieux que nous habitons,animons,faisons vivre,nous nous opposons à un projet qui prétend apporter le progrès, alors qu’on crée un désert de béton en forme d’autel à la croissance, à la productivité, à la vitesse. » Arrivés pour la plupart à la suite du Camp Climat de l’été 2009, les habitants ne comptent pas se laisser déloger si facilement : « Aujourd’hui on compte treize lieux occupés sur la ZAD dont douze depuis l’appel du Camp Climat. On s’organise pour résister aux éventuelles poursuites judiciaires et aux expulsions.On est décidés à rester. »

Au lendemain de l’occupation, une première assemblée populaire se tient dans le bourg de Notre-Dame-des-Landes. « On était une centaine : il y avait des gens des bourgs concernés, des gens de la ZAD, de Nantes et de Bretagne », énumère Julien. Encouragés par cette mobilisation spontanée, une dizaine de comités locaux se mettent en place avec pour mission de faire circuler une pétition contre les expulsions, d’informer sur la situation,de soutenir les habitants menacés d’expulsion, de poursuivre les assemblées populaires et de préparer des actions… L’ombre de Vinci a beau planer, la résistance est bien enracinée.

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