Géopolitique des armes

Joujoux occidentaux pour nazillons ukrainiens

Où l’on apprend (entre autres) que des armes de conception israélienne sont fournies à des unités d’extrême droite.

Un vent mauvais souffle sur l’Ukraine, il charrie la puanteur des charniers. Rien à voir avec les combats dans l’est du pays entre le gouvernement pro-occidental de Kiev et les rebelles du Donbass soutenus par Moscou – les accords de Minsk ont pour le moment gelé ce conflit. La mauvaise odeur remonte à un passé plus lointain, la Seconde Guerre mondiale et les massacres de masse commis par les occupants nazis et leurs supplétifs locaux. Le racisme s’exprime aujourd’hui ouvertement et les passages à l’acte sont monnaie courante. Ils visent particulièrement les Juifs à travers le vandalisme de centres culturels, de synagogues et de cimetières, ou de symboles de la Shoah. En avril à Ternopil, où des milliers de Juifs ont été exterminés en 1942, le mémorial du génocide a été attaqué au cocktail Molotov. Les Roms sont aussi dans le collimateur : à Kiev au printemps, un de leurs camps a été pris d’assaut et brûlé par un commando fasciste. C’était la quatrième attaque de ce type en deux ans.

La gangrène fasciste prospère sur le terreau d’un nationalisme agressif promu par les institutions qui cherchent à créer une nouvelle identité ukrainienne en réécrivant l’histoire et en réhabilitant les crimes du nazisme. Ainsi, le 28 avril à Lviv, avec l’accord de la mairie, des milliers de nostalgiques ont défilé en uniforme pour commémorer le 75e anniversaire de la division SS ukrainienne Galicie. Tandis que l’Institut ukrainien de la mémoire nationale, un organisme gouvernemental, chante la gloire des collabos de l’Allemagne nazie comme l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN-B) et leur führer Stepan Bandera. De façon générale, le pouvoir exploite sans vergogne la rhétorique ultra-nationaliste pour détourner l’attention des multiples problèmes qui accablent le pays et qu’il est incapable de résoudre.

Des fusils de conception israélienne

Il aurait tort de se gêner. Les pays occidentaux et Israël, prompts à dénoncer l’antisémitisme, gardent un silence embarrassé. Certains poussent le cynisme jusqu’à armer en douce des unités d’extrême droite comme le régiment Azov. À l’origine milice néo-nazie créée en 2014 pour combattre les rebelles russophones, elle a rapidement été intégrée dans la Garde nationale. Depuis, la bande jouit d’une respectabilité officielle, tout en gardant une certaine autonomie. Sans renier son idéologie, qui s’exprime entre autres par un symbolisme inspiré du nazisme ou par les déclarations de son ancien leader Andriy Biletsky qui se pose en sauveur de la race blanche menacée de disparition.

Cette couverture étatique permet au régiment Azov de s’équiper d’armes récentes sans faire de remous chez les fournisseurs occidentaux. En 2017, ces héritiers de l’OUN-B ont reçu leur part des 100 lance-roquettes de précision vendus à la Garde nationale par Air Tronic, une société texane. Quand l’information est devenue publique, elle n’a pas provoqué de scandale aux États-Unis ; les autorités concernées ont seulement promis qu’elles feraient plus attention à l’avenir. Au printemps, des vidéos et des photos où se pavanaient des soldats d’Azov exhibant des fusils d’assaut Tavor ont circulé dans la fachosphère ukrainienne. Le Tavor, fabriqué sous licence par Fort, une entreprise publique ukrainienne, est à l’origine un produit d’Israel Weapon Industries. Il équipe les snipers de l’armée israélienne qui l’utilisent à Gaza pour faire des cartons sur les manifestants de la Grande Marche du retour. La nouvelle a causé un certain émoi en Israël. En juillet, quarante militants israéliens des droits humains ont demandé à la Haute Cour de justice de leur pays qu’elle mette un terme aux ventes d’armes à l’Ukraine. Mais du côté du gouvernement, c’est no comment.

La Une du n°169 de « CQFD », illustrée par Cyop&Kaf

Pourquoi prennent-ils le risque de réveiller les démons du passé ? L’objectif de Washington est d’entretenir un foyer de tension permanente aux portes de la Russie. Le régiment Azov et les autres unités d’extrême droite sont des unités de choc, aux soldats bien plus motivés que ceux de l’armée régulière. Si les combats reprennent au Donbass, les États-Unis comptent sur eux pour mettre la pâtée aux alliés de Moscou. De son côté, Israël se doit de faire plaisir à son protecteur américain, d’autant plus qu’il s’est montré très généreux depuis l’élection de Donald Trump. Le cow-boy de la Maison Blanche qui twitte plus vite que son ombre a transféré l’ambassade américaine à Jérusalem, supprimé 450 millions de dollars d’aide aux Palestiniens et imposé de nouvelles sanctions à l’Iran. Benyamin Netanyahou ne pense qu’à l’écrasement de la Palestine et à l’endiguement de son ennemi préféré. Tant pis si le spectre des pogroms rode autour des Juifs ukrainiens.

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