Tout le monde déteste le Grand Paris

Le 13 janvier, rue Marceau, dans le bâtiment squatté du Centre social autogéré d’Ivry-sur-Seine, se tenait une assemblée des collectifs en lutte contre le Grand Paris. Venus des quatre coins de l’Île-de-France, les représentants de collectifs d’habitants ont pu partager leurs expériences. Et dire leur sentiment commun de subir un processus inexorable dont ils ne sont que les pions.
La couverture du n°162 de « CQFD », illustrée par Marine Summercity.

Voici les trois principaux constats qu’ils ont dressés.

Dégradation des logements sociaux

« Le bailleur n’entretient plus, il ne répare plus les ascenseurs, ni les espaces collectifs », témoignent des habitants de Châtenay-Malabry. Les bailleurs et les municipalités peuvent alors en profiter pour déplorer des «  dysfonctionnements urbains et fonctionnels qui nuisent à l’attractivité  » 1 de telle ou telle cité et justifier ainsi une « redéfinition de l’offre résidentielle  ». En clair, virer du pauvre, attirer du cadre et céder l’habitat social au privé. D’autres n’ont même pas ce problème : ainsi, « à Saint-Maur-des-Fossés [Val-de-Marne], le maire [LR] se vante publiquement de payer des pénalités plutôt que de remplir son quota de logements sociaux », souligne un participant.

Opacité des projets des bailleurs et de la mairie

Le collectif de Gentilly-Arcueil dénonce le parcours extrêmement difficile pour accéder aux documents officiels, qui s’avèrent souvent incompréhensibles. Partout, les situations sont similaires, quelle que soit la couleur politique des municipalités. À Champigny-sur-Marne ou à Nanterre, où les maires sont PCF ou apparenté, comme à Fresnes, où la maire est socialiste, ou à Bobigny (UDI) : même absence de concertation, même enfumage, mêmes coups de pression et même langue de béton…

Le sentiment de trahison est certes exacerbé dans les municipalités de gauche. Mais le constat se fait jour partout : « Les maires se comportent comme des petits barons. » « Dans les Hauts-de-Seine, c’est toujours le système Pasqua, une gestion clientéliste et communautariste  », affirme un membre d’un collectif qui souhaite rester anonyme, parce que les services municipaux et HLM peuvent « te pourrir la vie si tu te mets sur leur chemin  ». Et de préciser : « On te donne [un HLM, un local, un poste] en fonction de ton allégeance et on te fait comprendre qu’on peut te le reprendre... » Le tout s’accompagne d’une préparation des esprits : « On cherche à conditionner les populations au Grand Paris, remarque cet habitant de la cité Émile-Aillaud à Bobigny, en lutte contre la privatisation des espaces verts. Le blason-logo de la ville est ainsi devenu “ Bobigny-Grand Paris ”.  » Sans concertation, évidemment.

Relégation des populations les plus pauvres toujours plus loin

Après démolition pour insalubrité. À Plessis-Robinson, des études ont montré que les personnes âgées et malades ont souffert des conditions très brutales de leur relogement suite à la destruction de leur cité. D’autant que ce relogement s’accompagne souvent d’un système de loterie savamment entretenu par la mairie, où «  chacun espère décrocher le bon lot au détriment de son voisin, ce qui cristallise les rancœurs et la zizanie », indique un habitant de Fresnes. Les plans prévoient un relogement dans un rayon de cinq kilomètres. «  À Nanterre, les habitants ont peur d’être relogés au-delà de Mantes-la-Jolie », confie Véronique, habitante de la cité Émile-Aillaud, dont la rénovation est imminente. «  J’ai l’impression qu’on veut nous dégager de l’Île-de-France », accuse un membre du collectif Triangle de Gonesse, qui dénonce la destruction de terres agricoles pour des projets urbanistiques à destination des cadres moyens.

Mais parfois, face au rouleau compresseur des promoteurs et des municipalités, les luttes de locataires paient. Ce fut le cas pour le collectif DAL (Droit au logement) des habitants de la rue des Agnettes, promise à la rénovation, à Gennevilliers (Hauts-de-Seine) : il a finalement réussi à obtenir le relogement au même prix au m2 de tous les habitants, dans le même quartier. Mais le chemin de l’union est semé d’embûches. « C’est un comble : dès qu’on essaye d’informer ou de s’organiser, on nous accuse d’être la cause de l’anxiété des gens, s’indigne Véronique, de Nanterre. En gros, soit on est des statistiques, soit on est de la merde. »

M.L.(merci à Joël de FPP)

1 Novlangue employée dans une « Charte partenariale de relogement » des Hauts-de-Seine.

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