Variétés : Poète à chien
Daniel hélin est un chanteur belge de 40 ans qui assure avoir commencé sa carrière « en 1916 dans les effluves de gaz moutarde ». Analphabète musical, habitué des premières parties de Miossec, Arno, Jacques Higelin…, il ne s’auto-proclame chanteur à succès qu’une fois plongé dans une baignoire de chambre d’hôtel étoilé. Mais au quotidien, cet ex-punk à chien se satisfait d’une roulotte où l’on est bienvenu, même si ça sent « la frite qui colle, la cacahuète de fond d’bocal […], le home de vieux sans les vacances […], la caisse mollasse, le parmesan, la bouffe de poisson oubliée, l’étable, le mammouth, le faisan1 ».
Bref, Daniel est un poète. Un drôle, un léger, un profond, un qui fait du bien dans le paysage actuel de la chanson francophone.

Après l’avoir vu cet hiver à Tournai (Belgique), en duo avec Margaret Hermant, puis cet été en solo au festival d’Avignon, on peut conclure que c’est en concert qu’il est le meilleur ! Ses concerts sont riches d’images drôles, cruelles, olfactives, réalistes et farfelues se bousculant dans chaque phrase.
Une bête de scène, Daniel Hélin ? Oui… Ou plutôt une bête curieuse et prolifique, « un cœur de petite fille dans un corps de phoque2 » qui cherche la sincérité, la véracité, la fragilité. Seul en scène, il dépouille ses chansons, les livre sans guirlandes, ne veut pas faire propre, ne souhaite pas être parfait. En somme, il affectionne ce qui merdoie. Il se dit vrai timide et le raté est son remède : la théorie de l’imperfection mise en pratique, il connaît. Aussi, il travaille sur lui-même avec « une vraie psychothérapeute des bois ».
Comédien, plus conteur que musicien, il assure « n’en avoir rien à foutre, de [ses] albums ». Et pourtant… Daniel Hélin écrit beaucoup : dans son bestiaire se prélassent ouistiti, vache et chien, mais aussi amours perdues et panne de quéquette. Se revendiquant « super chômeur », sa « vie commence à cette heure où la vôtre s’enterre ». Sa mission ? « Faire la fête3 » ! Sans oublier de moquer les flics, les skins, Jésus et lui-même. De s’amuser et se désabuser des grandes et petites idioties du monde.
Dès qu’il a griffonné une ribambelle de textes, il en soumet une cinquantaine à son ami Jean-Yves Evrard qui compose la musique lors de leurs joyeuses « rencontres bordéliques ». Son dernier album, Le Crépuscule des idiots, a été enregistré en quelques jours. Un peu comme les précédents, bien que tous à géométrie variable : big band, trio rock, teintes circassiennes et disco. Rien n’effraie les deux compères, on vous dit, puisque « les moyens créent la forme » ! Et le Belge de considérer sans vergogne – et à raison ! – que Margaret Hermant, la talentueuse multi-instrumentiste qui l’accompagne sur scène, « ennoblit » ses textes.
Petit opportun de génie, Hélin est sûr qu’un jour il jouera dans un baloche klezmer ou même un philharmonique, et rêve de sortir un disque techno. A moins qu’il ne publie un recueil de ses textes et nous livre sa poésie toute nue.
Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.
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1 « Barbelés », in Le Crépuscule des idiots, Danses du possible, 2014.
2 « Chenille », op. cit.
3 « Bruxelles », op. cit.
Cet article a été publié dans
CQFD n°126 (novembre 2014)
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Paru dans CQFD n°126 (novembre 2014)
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Mis en ligne le 24.12.2014
Dans CQFD n°126 (novembre 2014)
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