Dossier « Le travail mort-vivant »
Se battre pour l’hôpital public

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En 2013, les éditions Vide Cocagne sortaient Les Désobéisseurs, portrait d’une poignée de salariés du public tentant de construire quelques digues sanitaires face aux attaques d’insatiables névropathes de la rentabilité1. Trois ans après, c’est la récidive avec Hôpital Public. La recette reste la même : c’est à travers une série d’entretiens avec le personnel hospitalier qu’on mesure l’ampleur du grignotage déshumanisant opéré par de fieffés gestionnaires. Comme le dit Jean-Luc, médecin anesthésiste : « On ne fait plus du cas par cas, en prenant en compte la vie de l’usager. On fait de la gestion de produit. » Aux crobards, on retrouve entre autres une partie de l’équipe ayant officié pour Les Désobéisseurs : Benjamin Adam, Fabien Grolleau, Camille Burger, voire notre éminent contributeur Nicolas de la Casinière. Aux diagrammes et colonnes chiffrées des PowerPoint des dépeceurs de l’hôpital social, les dessinateurs opposent un noir et blanc où les visages (tour à tour souriants, anxieux, fatigués, déterminés) rappellent que le soin est avant tout affaire humaine.
Thomas Gochi et Émile ouvrent le bal en début d’ouvrage en croquant la grève au CHU de Nantes, fin 2013. On mesure le gouffre qui sépare équipes de terrain et décideurs perchés sur leur dogme. Une infirmière s’avance face au dirlo retranché derrière son burlingue. Elle a dû laisser seuls une dizaine de patients par manque de personnel. Détresse éthique, culpabilité, colère : « Vous ne vous rendez pas compte, monsieur Jaspard ! Aujourd’hui, nous sommes dangereuses ! » Jeannie Alazgbo était sage-femme à Bangui (Centrafrique). Échouée en France, elle est rétrogradée agente de bionettoyage. L’hôpital a externalisé l’entretien sanitaire à des boîtes privées qui lessivent leur personnel. Quand elle ne ferraille pas contre les virus et bactéries, Jeannie tient le bras de fer face à ses tauliers qui augmentent les cadences de travail. La Centrafricaine se syndique. Fin 2014, elle réussit à impulser un mouvement de grève. Quelques miettes sont arrachées à la direction, mais en face, c’est comme les têtes de l’hydre : pour une de coupée, combien qui repoussent ? Avec ses pinceaux d’un pessimisme enfantin, Camille Burger nous propose alors un jeu de l’Oie où les cases du burn-out collent à celles des coupes budgétaires. À l’arrivée, un patron fier-à-bras trône en vis-à-vis d’une énorme bactérie pleine de dents. Il prévient le salarié que les dés sont pipés : « Vous avez perdu (on vous aura à l’usure si vous récidivez). »
Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.
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1 Cf. « Désobéir pour survivre », CQFD n°111 (mai 2013).
Cet article a été publié dans
CQFD n°147 (octobre 2016)
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Paru dans CQFD n°147 (octobre 2016)
Dans la rubrique Le dossier
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Mis en ligne le 11.02.2019
Dans CQFD n°147 (octobre 2016)
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