L’édito du 187

Pas de vaccin contre la colère sociale

À l’heure où le coronavirus contamine la planète, nous à CQFD, on a bêtement contracté… la rage.

Qu’on nous comprenne : comment ne pas avoir la bave aux lèvres dans un pays qui, en 2004, a transformé l’hôpital en supérette de la santé avec, entre autres, la tarification à l’activité (T2A) ? Comment ne pas serrer les dents face à la fermeture de plus de 13 600 lits en six ans dans les établissements publics 1 ? Pendant ce temps, et très activement depuis un an, le personnel des hostos, des aides-soignants aux chefs de service, a tenté par tous les moyens de faire savoir qu’il était à l’os. Il n’a récolté que mépris – et gaz lacrymos.

La rage contre cette bourgeoisie, petite ou grande, qui finit par reconnaître du bout des lèvres – et avec condescendance – l’utilité sociale des agents d’entretien ou de caisse, des infirmiers, éducateurs, paysans, éboueurs… Tous ces quidams bien plus utiles que n’importe quel responsable marketing en télétravail et qui étaient descendus en flamme quand ils arboraient fièrement leurs gilets jaunes.

La rage aussi contre Geoffroy Roux de Bézieux, patron du Medef, qui se pose la question « du temps de travail, des jours fériés et des congés payés » pour nous faire trimer « un peu plus » afin « d’accompagner la reprise 2 ». Soit une vieille revendication de son syndicat patronal toujours pas rassasié par le détricotage du Code du travail.

La rage contre les contrôles de police et les violences qui en découlent. La rage contre ces gardes à vue pour de simples banderoles, comme celle de cette Toulousaine qui a eu le tort – mais bien raison – d’afficher devant chez elle : « Macronavirus : à quand la fin  ? »

La rage encore contre l’application StopCovid permettant de tracer les malades du Covid-19 et contre la commande récente de plusieurs centaines de drones par le ministère de l’Intérieur. La rage encore et toujours quand on traîne à faire sortir les prisonniers des taules, les sans-papiers des centres de rétention administrative, quand on rechigne à mettre à l’abri les mineurs isolés étrangers…

Enfin, la rage contre l’incurie gouvernementale face à la crise, dont le criant symbole est l’incapacité à fournir des masques de protection. « Vous savez quoi  ? Moi, je ne sais pas utiliser un masque », osait au mois de mars la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye pour dissimuler la pénurie, nous prenant pour des pangolins de six semaines.

« Autour de moi, les gens sont chauds bouillants… écrivait il y a peu une amie du journal à ses collègues de bureau. Mais ils l’étaient avant et émargent plutôt tous à CQFD. Je ne sais pas si ça compte… » Depuis, même Jean-Pierre Pernaut – oui, le présentateur de cire de TF1 – a poussé un petit « coup de gueule » contre « l’incohérence » de la gestion gouvernementale de cette crise 3. Allez Jean-Pierre, encore un effort, répète après nous : « Sous le Covid, la rage  ! »


1 Selon la Direction des études et des statistiques du ministère de la Santé (Drees).

2 Le Figaro (10/04/2020).

3 Journal de 13 heures, TF1 (24/04/2020).

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