Cancer nucléaire en Polynésie

Atomic Blues

L’ami Roland Oldham, fondateur de l’association polynésienne Moruroa e Tatou (« Moruroa et nous ») défendant les victimes des essais nucléaires, est décédé à 68 ans dans la nuit du 15 au 16 mars dernier. Sa mort, d’un terrible cancer des os, est directement imputable à la politique militaire et coloniale française qui fit exploser 193 bombes en Polynésie de 1966 à 1996.
Par Rémi.

En mars 2016, juste après la visite de François Hollande à Tahiti, CQFD avait publié un poignant entretien avec Roland (« Paradis sous les bombes », CQFD n° 141). Depuis l’âge de 16 ans et le premier essai sur l’atoll de Moruroa, il se battait pour la reconnaissance des dégâts causés en Polynésie par la radioactivité made in France (540 cancers se déclarent chaque année parmi une population de 260 000 personnes, auxquels s’ajoutent fausses couches et bébés déformés…).

Né en 1950 à Papeete, petit-fils d’un conteur, lui-même instituteur, brasseur puis employé à l’Office polynésien de l’habitat, Roland Oldham créa le Syndicat indépendant et démocratique des travailleurs polynésiens (SIDT) en 1992 puis Moruroa e Tatou en 2001. De manifestations en actions, l’association aura forcé la déclassification de documents secret-défense, exposant au grand jour les mensonges d’État. Subissant pressions et campagnes de dénigrement, Moruroa e Tatou a péniblement initié en 2010 la loi Morin sur l’indemnisation des victimes. Cette dernière, si elle fut appliqué du bout des doigts par les gouvernements successifs (seulement 12 Polynésiens indemnisés sur 5 000 demandes), a toutefois démontré que l’État français connaissait depuis le début les conséquences sanitaires de ses explosions nucléaires au cœur d’un territoire grand comme l’Europe.

Destination touristique rêvée, la Polynésie française est surtout un immense terrain de jeu militaire à ciel ouvert dont les habitants ne sont guère plus considérés que des souris de laboratoire. À preuve, si le décès de Roland Oldham a fait la une des médias tahitiens, pas un entrefilet n’y fut consacré en métropole.

Doté d’une incroyable résilience et d’un sens de l’humour résistant, Roland était très pudique sur les terribles douleurs qu’il subissait. Guitariste passionné, il jouait dans un groupe – malicieusement nommé Atomic Blues – et savait ajouter la fête à la lutte. En février, à l’occasion de sa dernière interview (pour Tahiti Nui Télévision), notre camarade rappelait que « ce système qui nous désavoue, qui veut prendre les choses en main, qui nous traite avec arrogance, sera toujours là. Donc, soyons courageux...  »

Daniel Paris-Clavel
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