D’une certaine manière, Charonne occulte octobre 1961. Fin 1961, il n’y eut qu’une seule protestation publique, celle du comité Audin animé par l’historien Pierre Vidal-Naquet. Un film a bien été réalisé en 1962 par Jacques Panijel, Octobre à Paris, mais il a régulièrement été saisi par la police lors des projections, avant de souffrir de la censure et d’une absence de diffusion. Ce n’est qu’en 1983 que Didier Daeninckx publie un polar inspiré du drame, Meurtre pour mémoire, vendu à plus de 400 000 exemplaires. Puis, en 1984, le militant anticolonialiste Georges Mattéi témoigne dans un touchant reportage de Marcel Trillat, diffusé sur Antenne 2 : « Le peuple de Paris, ce soir-là, s’est transformé en indicateur de police, en auxiliaire… » Le livre de Jean-Luc Einaudi La Bataille de Paris sort en 1991. Quant au documentaire autoproduit Le Silence du fleuve, d’Agnès Denis et de Mehdi Lallaoui, il n’est diffusé qu’en 1992.
En fait, il faudra surtout attendre le procès pour diffamation intenté à Einaudi par Maurice Papon, en 1999 – dont l’ancien préfet de police de Paris sort débouté –, pour que les yeux d’une opinion publique incrédule se dessillent sur ce massacre d’État.