Les Grecs surtout, à qui l’on avait promis qu’en devenant européens – et s’ils faisaient une croix sur leur sacro-sainte sieste –, ils pourraient acheter de belles voitures neuves à crédit. Aujourd’hui, l’usurière de garde les tance : vous feriez mieux de payer vos impôts et la TVA sans pleurnicher, parce que les petits nègres d’Afrique sont bien plus malheureux que vous [1] !
Et les Espagnols ! Ces cigales qui, au sortir du long hiver franquiste, ont chanté tout l’été sans piger qu’après la fiesta, il faudrait payer la facture au taulier. L’Europe avait été bienveillante en subventionnant autoroutes et partis politiques pour faciliter le transit vers la démocratie de marché. Généreuses, les banques ont tout financé : le bétonnage des côtes, le tourisme de masse, le roi, la reine et le Saint-Esprit, les films d’Almodovar, les syndicats, les crédits à la consommation, la paix sociale et celle des ménages, la noblesse latifundiste, l’agriculture hors-sol, les entrepreneurs mafieux… Aux Grecs, aux Espagnols et à nous autres, on a appris l’Europe comme on apprend aux chiens à être propres. Trime, consomme et vote là où on te dit de voter, citoyen !
Aujourd’hui, la bulle explose. Les banquiers ont joué, gagné beaucoup, puis, paraît-il, perdu chouia. Vite, il faut les recapitaliser ! Le gouvernement espagnol vient d’engloutir 23 milliards d’euros pour combler d’aise les coffres sans fond de Bankia, championne de la spéculation immobilière. Et il faudra sans doute y ajouter 100 milliards de fonds européens pour permettre aux maîtres de l’argent d’à nouveau prêter aux collectivités locales et à l’État à des taux prohibitifs. Les pertes sont publiques, les profits seront privés. « C’est pas une crise, c’est une arnaque ! », gueulaient les Indignés de Madrid… La plus grosse arnaque de l’histoire à ce stade, probablement.
Leur austérité, c’est l’état de pauvreté de l’humanité officiellement confirmée. Vous êtes sur terre pour souffrir, bandes de nazes ! martèlent les calvinistes de la finance virtuelle. Leur crise, c’est le système dans sa vérité nue, quand il fonctionne à plein régime, sans rien en face qui lui résiste. La règle d’or est immuable : si les riches sont toujours plus riches, c’est bon pour leur croissance.
Mais partout l’idée d’un renversement fait son chemin : austérité pour les banquiers, luxe et volupté pour les autres !