Les aléas du direct

Inter piratée, la radio retrouvée

10 et 24 avril, soirées électorales. Les résultats sont commentés, les analyses livrées, la parole gentiment distribuée entre personnes habilitées. Bref, France Inter, radio la plus écoutée du pays, fait du France Inter. Souvent, c’est énervant. Et puis là, quelque chose se passe : un piratage radiophonique en bonne et due forme. Le pied ! Le pire ? On l’a raté. Mais ça peut (presque) se rattraper.
Gravure de Mortimer

Comme à la grande époque, celle qu’on n’a jamais connue. On imagine quelques valeureux grimper sur le toit d’un immeuble, matos rustique sous le bras. Des galères sans doute, de grands projets, certainement. Et puis, ça marche. Dans l’Est parisien, les 10 et 24 avril, à l’annonce des résultats de la présidentielle, la fréquence de France Inter est piratée. Et voilà que, pendant plus d’une heure, d’autres programmes sont diffusés. Des voix qui nous racontent d’autres choses, qui inventent un futur dystopique, puis détournent les palabres présidentielles. Magie du montage, le 24 au soir, Macron avoue n’avoir « aucune envie de faire cinq ans de plus », « car la vérité est que nous sommes en guerre […] : l’État est une menace qui se concrétise. À cet égard, notre stratégie est d’infliger des dommages sur ses centres de pouvoir […]. Il faut que le désordre gagne les espaces communs. » Jouissif. Surtout – on imagine – pour les auditeurs désorientés en direct.

Pour celles et ceux qui, comme nous, n’étaient pas derrière le poste, on peut retrouver des extraits sur le site de Lundi matin et saluer l’audace (on rappelle que les joyeux pirates risquent quand même la taule). Le 10 avril, Antoine Chao était pour sa part tranquillement installé dans sa cuisine, quand c’est arrivé. Pour ce journaliste à France Inter (qui tente d’y faire exister depuis des années des paroles critiques1), fin connaisseur et admirateur de l’histoire de la radio (notamment pirate), c’est un peu Noël : « sa » radio est piratée, là, devant ses oreilles. Au début, il se croit sur Radio libertaire, mais non : c’est bien Inter. Il sort son dictaphone et capture le moment. De ces morceaux enregistrés à la volée, il a tiré 18 minutes de radio : on l’entend raconter sa surprise ébahie, sur laquelle il a greffé d’autres morceaux d’anthologie de piraterie radiophonique, ou encore des interviews que lui-même a réalisées auprès de vétérans, tel Lionel, de Radio Tomate. Le slogan du collectif à l’époque ? « Tout mélanger pour que tout puisse arriver  ». Encore valable en 2022.

Margaux Wartelle

1 Ancien de « Là-bas si j’y suis » et de « Comme un bruit qui court », il réalise cette saison l’émission « C’est bientôt demain », sur les luttes environnementales.

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CQFD n°209 (mai 2022)

Dans ce numéro de mai promettant de continuer à « mordre et tenir », un dossier de douze pages sur le murs tachés de sang de la forteresse Europe, avec incursion au nord de la Serbie. Mais aussi : un retour sur les racines autoritaires de la Ve République, une dissection des dérives anti-syndicalistes de La Poste, un panorama de la psychanalyse version gauchisme, une « putain de chronique » parlant d’amour, un éloge du piratage de France Inter, des figues, des utopies, des envolées…

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