Dossier école

École réac vs école libre

L’ordre règne dans la classe

« Dans les écoles confessionnelles, les jeunes reçoivent un enseignement dirigé tout entier contre les institutions modernes. On y exalte l’Ancien Régime et les anciennes structures sociales. Si cet état de choses se perpétue, il est à craindre que d’autres écoles se constituent, ouvertes aux fils d’ouvriers et de paysans, où l’on enseignera des principes diamétralement opposés, inspirés peut-être d’un idéal socialiste ou communiste emprunté à des temps plus récents, par exemple à cette époque violente et sinistre comprise entre le 18 mars et le 28 mai 1871. »

Jules Ferry

Le consensus réac-publicain

« Les constats du FN, repris par le “Collectif Racine”, sont à peu près tous corrects », Jean-Paul Brighelli, Le Point (4 octobre 2013).

« […] Quant aux mesures préconisées par le programme du FN, on y retrouve les mêmes cibles que dans la prose des “républicains” : “L’école n’est pas ‘un lieu de vie’ où l’enfant construirait son savoir par lui-même. Depuis 1968, les méthodes pédagogistes ont peu à peu démantelé l’école de la République, bloquant l’ascenseur social et faisant de nos enfants des cobayes livrés à toutes les expériences plus catastrophiques les unes que les autres. Au centre de l’école, doit se trouver la transmission des connaissances, acquises difficilement par l’humanité au cours des siècles. Le maître sait, et n’a pas à être tutoyé par l’élève, qui lui doit respect et obéissance pour apprendre grâce à son effort évalué par la notation. Si félicitations et encouragements sont nécessaires, les sanctions sont tout aussi inévitables.”

C’est dans cette logique que s’égrènent une succession de propositions et de slogans qui célèbrent l’ordre, la discipline, l’obéissance mais aussi l’appauvrissement des savoirs étudiés et des méthodes […]. S’y lit surtout la nostalgie d’une école de la tradition (avec ses cartes de géographie, ses dates de l’histoire de France, ses leçons de calcul, ses dictées, etc.) qui cherche absolument à nous convaincre que l’école est devenue un “centre aéré”, où plus rien ne s’apprend. Derrière le “retour à l’ordre”, c’est la “tolérance zéro” – en bon français “l’intolérance”, concept pour lequel le FN dispose en effet d’une longue expérience – le primat du répressif sur l’éducatif, sans qu’on sache très bien en quoi la restauration des écoles-casernes conduirait à l’avènement d’individus libres et autonomes. […] C’est aussi, au nom de l’inégalité des capacités, la volonté de renforcer le rôle de l’école comme outil de reproduction et de légitimation des hiérarchies – auquel il est sans cesse fait référence – en instaurant au plus tôt des orientations au profit des élites et au détriment de l’immense majorité. Derrière la laïcité, une politique d’épuration culturelle et de stigmatisation de certaines catégories d’élèves, non pas pour des raisons pédagogiques (en quoi les menus des cantines sont responsables de l’état du système éducatif ?) mais là encore pour des motifs idéologiques. Derrière la nostalgie des méthodes traditionnelles, de l’élevage “à la dure”, c’est le formatage d’une population qu’il s’agit de dresser, de modeler et non d’éduquer ou d’accompagner dans son appropriation des savoirs. »

Gregory Chambat « Programme éducatif : de qui s’inspire le FN ? », 6 avril 2014.

A visiter : Questions de classes.

Par Camille Burger.

La bravitude scolaire obligatoire

« S’agissant, tout d’abord, du droit de l’enfant à l’instruction, je veux rappeler à mon tour, après M. le rapporteur, que plusieurs milliers d’enfants échappent chaque année à l’école de la République. Bien souvent, au nom de l’instruction dans la famille, ces enfants sont maintenus dans un état d’inculture, d’ignorance, ou, pis encore, embrigadés, aliénés, maltraités. »

Ségolène Royal, ministre chargée de l’Enseignement scolaire, lors d’une séance au Sénat, portant sur le projet de loi relatif au renforcement de l’obligation scolaire, du 29 juin 1998.

L’école de l’anarchie

L’éducation a toujours été une préoccupation – et pas seulement théorique – du courant libertaire. La Paideia est une école alternative à Mérida en Espagne, qui fonctionne sur un principe d’assemblée et d’apprentissage de l’autonomie.

« Contrairement aux “écoles libres” comme l’école Summerhill de A.S Neill, [l’école de ] Paideia n’envisage pas le fait de grandir libre comme quelque chose de passif. Il n’y a pas d’attitude de laisser-faire où les enfants peuvent faire tout ce qu’ils veulent et les éducateurs restent passifs. Il s’agit ici d’un processus beaucoup plus dynamique, qui implique de créer ensemble une communauté de travail érigée sur un socle de « valeurs » bien définies, et où les droits des éducateurs et des élèves sont reconnus à égalité. Au cœur de la vie et de l’apprentissage à l’école sont sept « valeurs » dérivées de la philosophie anarchiste : l’égalité, la justice, la solidarité, la liberté, la non-violence, la culture et, la plus importante, le bonheur. Plus que les maths et les langues, voilà les vrais sujets. Mais c’est la manière dont ces valeurs sont apprises qui est aussi importante que ce qu’elles représentent en soi.

[…] Comme de nombreux élèves sont revenus des vacances d’été avec des tendances à la dépendance, l’école est temporairement gérée selon une règle connue sous le nom de Mandado – ce qui peut être traduit comme « sous mandat » ou « dirigé ». Il s’agit d’un état d’exception, qui s’applique parfois à des cas individuels, mais qui cette fois concerne toute l’école. Comme les élèves ne sont plus capables de prendre l’initiative de faire les choses par eux-mêmes et demandent aux figures d’autorité (les adultes) quoi faire, il sont mandado – dirigés par le personnel. L’état d’exception est maintenu jusqu’à ce que les élèves décident de convoquer une assemblée où ils discutent collectivement pour voir s’ils ont retrouvé un état de liberté et de responsabilité. S’il existe un consensus pour la levée du Mandado, l’école retrouve alors son fonctionnement normal et plus personne ne se voit dicter sa conduite. “Ils ont besoin de retrouver leurs valeurs anarchistes”, en conclut Pepa. “Cela ne prend pas longtemps. Personne n’aime recevoir des consignes tout le temps. Mais s’ils veulent être libres, il faut qu’ils luttent pour. »

Extraits des Sentiers de l’Utopie d’Isabelle Fremeaux et John Jordan, La découverte/ Zones 2011.

La suite du dossier École :

Vive la rentrée des classes

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1 commentaire
  • 28 décembre 2014, 00:03

    C’est vrai, vous avez raison, le programme pour l’école du FN est un faux-nez. Mais vous n’allez pas assez loin, et négligez complètement, à tort, le poids des lobbys au FN et autour de lui, qui cherchent tous le démantèlement de l’école républicaine. Marine Le Pen elle-même ne lève-t-elle pas le voile lorsqu’elle défend presque ingénument le chèque-éducation ? Voyez aussi l’attaque concertée des JRE et de SOS Education (école à la maison et retrait des mômes de l’école, soit-disant pour lutter contre la théorie du genre) ou encore la Fondation pour l’école, défendue tour à tour par Zemmour et Polony. Quant à Brighelli, le voilà rendu à faire le beau à TV Libertés. Sa tribune pour Le Point et ses bouquins ne lui suffisent donc plus ? Hélas, le voilà coopté par les zinzins libertariens. La république chez ces gens-là, ça eut payé. Quant à vous, Monsieur Chambat, votre article est correct, mais encore très insuffisant. Vous pouvez mieux faire en prenant davantage vos distances d’avec la vulgate pédagogiste à la sauce Meirieu, qui, sous couleur de libérer l’enfant, n’est guère plus que l’adaptation de l’école aux exigences du marché et de l’OCDE. 7,5/20. Consultez au plus tôt le Protocole de Lisbonne pour approfondir vos connaissances et acquérir une meilleure vue d’ensemble.

    • 30 décembre 2014, 20:57, par cancrillon

      Te casse pas la tête, l’ami, lis le titre : « école libre vs école réac ». Quand on parle d’école libre, jusqu’à nouvel ordre, il s’agit bien d’école privée, non ? Et tant qu’à faire, eh banane, lis aussi le reste du dossier : il s’agit bien ENCORE de retirer les marmots de l’école. Ça y est, tu percutes ? L’école républicaine (« réacpublicaine » !) est AUSSI dans le viseur de nos amis. Je sais, ça perturbe. Mais tu as l’air d’avoir la comprenette nécessaire pour surpasser le trauma. Et arrête de jouer au prof, c’est pas beau.

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Paru dans CQFD n°124 (juillet-aout-septembre 2014)
Dans la rubrique Le dossier

Illustré par Camille Burger

Mis en ligne le 04.11.2014