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« Tenon » bon

26 mai 2012, 18:15, par Martin Scriblerus

En guise d’éléments de réflexion sur le sens de la remise en cause du droit à l’avortement, je me permets de citer ici Christine Delphy, dont les analyses ont le mérite d’être justement formulées en termes résolument offensifs, et décortiquent la stratégie des ennemis des femmes :

« [...] l’interdiction de l’avortement n’est en somme que la dernière touche sadique apportée à l’oppression des femmes dans la sexualité. [...] [La] contestation du droit à l’avortement est une tactique classique de harcèlement et de guerre psychologique. Il peut paraître difficile d’appeler »psychologique« une bataille dans laquelle l’un des enjeux est la vie et la santé des femmes. Mais pour les anti-avortement, la vie et la santé des femmes sont des »pertes collatérales« , comme disent les militaires depuis la guerre du Golfe. Leur premier objectif - et là encore ils ne se distinguent pas tellement des distingués militaires - est de démoraliser les femmes, de leur contester la qualité de personnes humaines à part entière. Ceci est accompli de deux façons quand on renvoie les femmes à l’avortement clandestin : d’une façon directe, puisque la libre disposition de leur corps, le droit à l’intégrité physique, sont déniés à la moitié femelle de la population. mais aussi de façon indirecte quoique très matérielle : car la dignité d’une femme, et donc sa conviction qu’elle est une personne, sont fortement ébranlés par l’expérience des humiliations et dangers de l’avortement clandestin.[...] Dans l’analyse que font les féministes aujourd’hui, voilà les buts poursuivis par le combat actuel contre l’avortement : non pas un but nataliste[...], non pas un but »humanitaire« car les anti-avortement n’ont que faire de la vie humaine. Leur invention du foetus comme »personne« est purement tactique. Au début du [XXe] siècle, les femmes étant mineures, incapables civilement et démunies de droits politiques, on pouvait interdire l’avortement sans autre forme de procès. Aujourd’hui que les femmes sont des citoyennes, que leur statut de personne est garanti par toutes les constitutions et les conventions sur les droits humains, à commencer par la charte de l’ONU, il est plus difficile d’attaquer leur droit à l’intégrité physique. C’est pourquoi il a été nécessaire pour ceux qui veulent revenir sur ces droits, d’inventer dans un premier temps un »conflit« d’intérêt, non pas entre l’Etat et la liberté des femmes, car cela ne marcherait plus, mais entre une personne et une autre : entre la femme et le foetus promu au rang de personne. [...] »

(extrait de « Genre et classe en Europe », paru initialement en 1996, republié dans l’excellent L’ennemi Principal - tome 2, Penser le genre, Syllepse 2001)

Les anti-avortement sont bien sûr résolument réactionnaires, mais il ne faut pas se méprendre sur le fond de leurs motivations. Derrière le prétexte de défense « humaniste » des foetus, il s’agit pour eux, essentiellement, de s’en prendre directement aux femmes et au peu de reconnaissance qu’elles ont pu conquérir.

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