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Pied-rouge, « idiot utile » ?

21 mai 2012, 15:19, par ML

Un petit bémol au sujet de la période de Ben Bella présentée ici comme des « années heureuses »« l’autogestion est le mot d’ordre sur toutes les lèvres » et ce, « Jusqu’au coup d’état du général Boumediene, le 19 juin 1965. Moment où,  »l’armée prend le pouvoir, l’islam est proclamé religion d’état, l’arabisation décrétée. " Sûrement que le sentiment général a dû être marqué par du soulagement au moment de l’Indépendance après une guerre abominable. Mais des inquiétudes sont très vite apparues.

En conséquence, il vaut mieux de ne pas verser dans une vision idyllique qui déformerait le processus historique réel qui était en oeuvre alors. La politique de Ben Bella porte en son sein bien des aspects de ce que le régime de Boumédienne (son ancien complice devenu rival) n’aura plus qu’à verrouiller grâce à sa mainmise sur l’armée :

Muselage de l’opposition. Des partisans de Messali Hadj jusqu’au GPRA. C’est bien l’armée qui triomphe en 1962 et non les civils.

Arabisation. c’est Ben Bella qui déclare dès mai 1962 à l’aéroport de Tunis : « Nous sommes des Arabes, des Arabes, des Arabes » L’Arabe est décrétée langue officielle et nationale. Tant pis pour les Berbères qui seront sans cesse réprimés.

Islamisation. L’Islam est revendiqué religion d’Etat dans la Constitution d’octobre 1963. Tant pis pour les partisans de la sécularisation.

Etatisation du mouvement social. Les syndicats sont réprimés par la police dès leur premier congrès en janvier 1963 et mis sous la coupe d’un syndicat unique FLN.

L’autogestion enfin devient rapidement un songe creux, comme le rappelle dans les colonnes de CQFD, Mohammed Harbi, à la fois acteur et historien incontesté de la période :

« Je n’étais pas pour Ben Bella, mais quand il a été question de faire gérer le capital des biens collectivisés par les ouvriers et les paysans, j’ai servi de conseiller pour le secteur socialiste. Nous, les partisans de l’autogestion, étions coincés entre les gens d’en bas qui étaient sceptiques et méfiants vis-à-vis du pouvoir et disaient : “Tout ça c’est trop compliqué, on veut juste une augmentation des salaires”, et ceux d’en haut pour qui l’autogestion était soit un moment de répit avant l’accaparement des biens par les plus puissants, soit une étape avant de passer à l’étatisation. De fait, notre courant était extrêmement faible. Il s’est passé en Algérie ce qu’il s’est passé en Espagne en 37 : lorsque la guerre révolutionnaire dure longtemps, elle finit par détruire les mouvements sociaux. Le FLN avait détruit les syndicats (déjà laminés par Lacoste) à sa manière : en les lançant dans des grèves aventureuses durant la guerre, puis en dispersant le congrès de l’UGTA (Union générale des travailleurs algériens) en 1963 et en lui imposant une direction, enfin, en les domestiquant dans l’appareil d’État. »

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