Accueil > ... > Forum 1955

La nuit des libraires : Témoignage d’un ancien libraire indépendant

6 septembre 2018, 10:09, par Un partageux

Les « espaces culturels » annexés à des grandes surfaces alimentaires sont des concurrents contre lesquels le libraire ne peut pas lutter.

Je suis l’heureux propriétaire-directeur d’une grande surface alimentaire qui me fait les coucougnettes en or massif serties de diamants. La banque ne me propose que bien peu de rétribution de mon énorme tas de pognon. Les déboires de mes prédécesseurs qui ont boursicoté m’incitent à la prudence. Que faire de mon pognon ?

Eh bien je l’investis dans un agrandissement non rentable à court terme comme un « espace culturel ». Cet espace culturel va me coûter du déficit pendant des années mais je m’en fous : il est épongé par l’alimentaire. Et je fais crever, petit à petit, libraires, disquaires, vendeurs de micro-informatique et de matériel photo, etc. Au bout de dix ou quinze ans, le marché local est enfin dégagé : je suis tout seul ! Et mon « espace culturel » commence à gagner du blé. Suffisait de savoir attendre et suffisait d’avoir les moyens d’investir sans retour sur investissement immédiat.

Un autre aspect. Je me souviens d’un libraire qui se lamentait voici plus de vingt ans. En substance il me disait : « J’ai vendu 22 exemplaires du Quid. C’est bien. Je suis content. C’est de l’alimentaire mais ça me fait du cash pour vendre des productions plus exigeantes. Mais le Leclerc d’à côté, il a vendu combien de Quid ? Trois palettes ? » La grande distribution, en prenant l’essentiel des grosses ventes — les livres dont tout le monde parle dans les média, des ventes qui sont faciles — assèche aussi les librairies. Ce libraire a mis la clé sous la porte depuis longtemps...

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.