L’édito du 177

Sourds comme des pots de chambre

« Nous n’avons pas gagné, mais nous n’avons pas non plus eu un résultat catastrophique qui nécessite un changement de cap du président de la République », a osé Marlène Schiappa au soir de la grande pantalonnade électorale européenne. Bah ouais, meuf, changez rien, pas votre faute si les manants votent pas comme il faut. À croire qu’ils ne vous font pas confiance. C’est quand même fort de café : d’où tirent-ils une telle défiance ?

Au Chien rouge, faut bien avouer qu’on se sentait moyennement concernés par lesdits résultats, hormis cette grosse boule RN au ventre et quelques poilades (wesh Wauquiez, bien ou bien ?). Il y a certes parmi nous des désespérés qui lorgnent sur les résultats des « moins pires », mais ils sont tout blafards, limite dépressifs. « Oui mais regarde les éco-los, qu’ils bafouillent piteusement, c’est pas rien leur score. On sait bien qu’ils vont trahir mais... » Deux trois verres plus tard, ils confient leur rêve secret : que le grand barnum électoral s’écroule de lui-même, bouffé aux entournures, dépassé par des mouvements sociaux et écologistes autrement moins ronronnants. Demain, ou après-demain, on verra bien.

En tout cas, on se disait qu’avec un résultat aussi désastreux (en prenant en compte l’abstention, La République en panne n’atteint même pas 11 % des inscrits, chapeau bas), ils ne plastronneraient pas trop, la mettraient en veilleuse. C’était mal les connaître. Parce que depuis cette soirée où Loiseau s’est crashée avec ses potes, piou piou, le mot d’ordre partout claironné est clair : il faut « intensifier » et « accélérer » les réformes. C’est qu’il y a du pain sur la planche, nom d’un gueux : détricotage du service public, sabrage des retraites, mise à mort de l’école publique, énième virage répressif, flicage des journalistes, saccage de l’environnement, corsetage forcené du néo-libéralisme partout imposé… Au fond, ce gouvernement est comme une trottinette électrique en libre service : tout le monde le déteste mais il prospère à tous les coins de rue, drainant son monde de merde avec lui, faussement écolo, vraiment dégueu’. Lueur d’espoir : par chez nous, il arrive que les hideuses trottinettes atterrissent inopinément dans le Vieux Port – plouf, fini-parti.

Pour paraphraser et détourner ceusses du Comité invisible, qui ont pour eux une certaine plume : « Chacun voit bien que cette civilisation ce gouvernement est comme un train qui va au gouffre et qui accélère. Plus il accélère, plus on entend les hourras hystériques des soiffards du wagon-discothèque 1. » Voilà. Schiappa, Macron, Castaner, Grand-Machin Philippe et les autres, interchangeables mais accrochés à leur poste comme des bernicles toxiques à leur rocher mazouté, se bourrent la gueule à la liqueur de pouvoir dans le wagon de tête, avec Harder, better, faster, stronger de Daft Punk en fond sonore, cokés jusqu’à la garde. Plus vite, qu’ils gueulent, plus fort. Les panneaux de signalisation ? On les emmerde. Le code de la route ? Pour les autres. Et ce grand virage, qui approche à grande vitesse ? Rien à battre, ils craignent dégun 2, même pas la gravité...

Un grand crash est attendu. Reste à espérer qu’il ne soit pas teinté de brun.


1 Dans Maintenant, La Fabrique, 2017.

2 « Personne », en marseillais.

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