Mais qu’est-ce qu’on va faire de... La santé publique ?

Extrait du journal télévisé de France 2, le 11 juin 2009  : « L’ambiance est grave pour cette réunion de l’Organisation mondiale de la santé, le Dr Margaret Chan, directrice générale de l’OMS, annonce la première pandémie du XXIe siècle  : “J’ai décidé d’augmenter le niveau d’alerte de 5 à 6. Le monde est maintenant au début d’une pandémie grippale.” » à l’époque ministre de la Santé et des Sports, Roselyne Bachelot avait sonné la mobilisation générale  : des vaccinodromes étaient dressés en urgence sur tout le territoire. L’État avait passé la commande de 94 millions de doses de vaccins. La grippe H1N1 venue des confins asiatiques était aux portes du pays ; l’hécatombe nous guettait. Et puis… rien. Passons outre les multiples polémiques liées à la nocivité du vaccin et laissons le toxicologue André Cicolella faire le bilan de la pandémie  : « L’impact de celle-ci fut inférieur aux grippes habituelles […]. En France, le bilan au bout de six mois était de 91 décès, tandis que sur la même période 75 000 personnes étaient mortes de cancer, première cause de mortalité en France, dans une indifférence quasi générale. Là est pourtant la vraie pandémie, en France comme dans le monde.1 » à la tête du Réseau Environnement Santé, Cicolella émet une hypothèse que l’on peut résumer ainsi  : les différents promoteurs officiels de la santé publique nous enfument. Tandis que des maladies dites chroniques (cancer, diabète, obésité, maladies cardiovasculaires et respiratoires, etc.) explosent et font des ravages sanitaires, le pouvoir médiatico-politique se complaît à jouer avec nos peurs ancestrales des maladies infectieuses. Enfouies dans notre mémoire collective, les grandes épidémies de peste, choléra ou grippe espagnole ont laissé une empreinte profonde. Quatre décès dus à la peste aux États-Unis cette année suffisent au Nouvel Obs pour titrer  : «  Faut-il avoir peur d’un retour de la peste ? » On n’oublie pas le traitement médiatique de la fièvre hémorragique Ebola qui menaçait de contaminer le pays. Matraquée à longueur d’antenne, la maladie disparaît soudain des écrans radar comme par magie. S’il ne s’agit pas de nier la gravité des grandes contagions virales, il faut comprendre comment leur instrumentalisation, digne d’un blockbuster amerloque, fait office de diversion. Venant souvent de pays pauvres (Afrique ou Asie), ces épidémies télégéniques participent de cette farce disant que le danger sanitaire viendra forcément d’un ailleurs sous-développé, qu’à l’intérieur de nos frontières climatisées un efficace dispositif prophylactique nous protège de toute hécatombe.

L’hécatombe justement, parlons-en. Depuis les années 80, l’incidence du cancer, pour ne parler que de lui, a crû de plus de 100 % en France ; des chiffres qui font écrire au journaliste Fabrice Nicolino : « Tous les responsables devraient au moins tenter de fournir des réponses crédibles à ce qui est clairement une épidémie.2 » Quand le fléau des maladies chroniques est abordé, c’est avant tout pour atomiser et culpabiliser les malades  : tabac, alcool, sédentarité, malbouffe, les pouvoirs publics nous gavent de leurs bonnes recommandations à longueur de journée. C’est parce que tonton n’a pas mangé ses cinq fruits et légumes (bourrés de pesticides) par jour qu’il va crever d’un cancer du côlon ou parce qu’il a trop exposé sa couenne au soleil étant minot qu’il soigne son mélanome à grandes doses de chimio. En somme, s’il est condamné par le crabe, c’est qu’il l’a bien cherché. Or voilà plusieurs décennies que des études indépendantes s’empilent et dressent le même constat  : deux cancers sur trois ont des causes environnementales. Quant au rôle des perturbateurs endocriniens, l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) continue sa politique de l’autruche tandis que des rapports de plus en plus alarmants font montre de leur dangerosité à des doses infinitésimales. A la botte de ces fossoyeurs qui font de la planète (et de nos corps) un réceptacle à polluants : les industriels de la chimie. Un million de tonnes de chimie de synthèse était produite en 1930 dans le monde ; entre 400 et 500 millions aujourd’hui. Chiffre d’affaires du secteur dans l’Hexagone pour l’année 2014  : 82,4 milliards d’euros. Vu le marasme économique du moment, il serait suicidaire de mettre l’industrie chimique à la diète. Pire  : de lui demander des comptes sur les saloperies qu’elle propage. Consciente de cet indéniable enjeu de santé publique, l’Europe a adopté la réglementation Reach censée permettre l’évaluation de quelque 30 000 substances chimiques… sur 47 millions recensées dans le monde. Il s’agit avant tout de ne pas affoler le populo.


1 André Cicolella, Toxique Planète, Seuil, 2013.

2 Fabrice Nicolino, Un empoisonnement universel, Les liens qui libèrent, 2014.

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