C‘est le soir, 21h15. L’équipe est installée pour affronter le poste de nuit. Tout le monde est en bleu. Tout le monde, pour le moment, se tient autour de la table du réfectoire à prendre le café. La scène se passe dans l’atelier le plus dégueulasse de l’usine. Même la direction le reconnaît et certains cadres en parlent comme d’un « Germinal » ou d’un « Cayenne ». Le boulot y est déconsidéré car moins technique et plus physique. Il faut savoir manier le marteau-piqueur lorsque l’engrais a pris en masse dans (...)
Pas toujours facile de parler de la sous-traitance dans une usine. Les salariés de ce secteur sont pourtant légion dans la chimie comme dans le nucléaire pour effectuer les tâches les plus complexes et les plus dangereuses dans des conditions de sécurité minimales. Les salariés sous-traitants sont majoritairement précaires, mal payés et ils disparaissent de l’usine sans qu’on sache très bien ce qu’ils deviennent. De plus, il est souvent difficile de rentrer en contact avec eux parce qu’il y a plusieurs (...)
C’est assez particulier de venir travailler dans une usine en fin de vie. Vous allez me dire : « Ça fait cinq ans que Levaray écrit sa chronique dans CQFD, ça fait cinq ans qu’il nous dit que ça va fermer. » En fait, il y a même dix ans que nous, les prolos de l’usine, pensons qu’elle va fermer. Depuis la catastrophe de Toulouse. Reste que, de plan de restructuration en plan de « sauvegarde de l’emploi », l’usine est encore là. Avec moins de salariés (nous ne sommes plus que 330), moins d’ateliers et, (...)
Évidemment, je ne vais pas vous dire que l’ambiance à l’usine est au beau fixe. Il y a l’après mouvement des retraites, mais c’est pas ça ; il y a les résultats et le fonctionnement catastrophiques de la boîte, mais c’est pas ça ; il y a le chantage de la direction générale qui veut que tous les syndicats la suivent dans ses démarches pour faire baisser les quotas de CO2 (pour l’instant seule la CGT refuse), mais c’est pas ça non plus. Depuis quelques mois, un climat répressif s’est installé dans mon usine (...)
ÉVIDEMMENT, l’actualité est telle que je ne vous écris pas de l’intérieur de l’usine. Avec les collègues, on a participé à toutes les journées d’actions contre la réforme des retraites, même s’il n’a jamais été question de grève reconductible comme l’ont fait les copains de Total. Reste qu’on était une bonne quinzaine à participer quasi quotidiennement aux blocages des ponts, des entrées de la ville, des transports urbains et surtout du dépôt de carburant, situé à côté de la boîte. Le 27 octobre, il a fallu se (...)
EN JETANT UN OEIL sur les chroniques que je tiens dans CQFD depuis près de cinq ans,je m’aperçois qu’il est souvent question de la mauvaise ambiance qui règne dans l’usine. C’est cyclique. Eh bien, là, je pense que l’on n’est pas loin de toucher le fond. Un vent de sinistrose concernant l’avenir proche de la boîte agite le personnel.Faut dire qu’il y a peu de sujets de réjouissance. La filiale engrais de Total ne représente plus qu’à peine 1000 salariés et le site de Mazingarbe (près de Lens) va être (...)
MARDI 23 FÉVRIER, je suis à La Défense, avec quelques camarades (c’est comme ça qu’on dit). J’y suis en tant qu’« élu des travailleurs » chez Total, pour un Comité central d’entreprise (CCE) extraordinaire concernant la cession du site de Mazingarbe (près de Lens). Cela se fera avec soixante-quinze suppressions d’emplois. A priori des préretraites, mais sans doute pas uniquement. On est au début des réunions et c’est parti pour six mois au minimum. Il s’agit de réunions pour la forme, où on obtiendra (...)