Crowdfunding, mais qu’est-ce qu’on va faire de ça ?

Kisskissbankbank.com ainsi qu’Ulule.com pour soutenir des projets « créatifs et innovants », mais encore Babyloan.org pour des projets de solidarité envers les pays du Sud, Spear.fr pour l’entrepreneuriat social, Touscoprod.com pour des films, etc., les plates-formes web de crowdfunding – littéralement « le financement par la foule » – ou financement participatif en ligne sont légion depuis 2008 en France.

Phénomène apparu dès 2004 aux États-Unis, les sites de crowdfunding rassemblent des internautes qui mettent en ligne une présentation détaillée de leur projet (objectifs, motivations, budget…) et un montant à récolter pour le mener à bien. Les contributeurs (n’importe quel zigue) ont quelques semaines pour le soutenir et ce de différentes manières selon les sites : par un don financier (en échange d’une contrepartie), un investissement dans le capital, un prêt. Si la totalité de la somme est récoltée à la date prévue, le bénéficiaire touche l’argent, dans le cas contraire, si les promesses de contributions n’aboutissent pas, elles sont annulées tout comme le projet.

En France, le crowdfunding représentait un volume global de 25 millions d’euros en 2012 et, en juin 2013, près de 500 000 « internautes solidaires » ont déjà soutenu un projet sur une de ces plates-formes. Avec des projets alternatifs parfois alléchants (création d’un atelier de transformation agricole pour des petits paysans bio, production d’un documentaire sur l’immigration clandestine africaine, création d’une ferme pédagogique), beaucoup voient en ces plates-formes un nouveau type de financement qui se veut à la fois solidaire et en dehors du système bancaire, où des micro-financeurs soutiendraient des projets indépendants qui n’auraient pas glané ailleurs le moindre kopek.

Mais ces plates-formes de crowdfunding sont avant tout des intermédiaires qui se rémunèrent via leur service de mise en relation (commission de 5 à 8 % sur l’ensemble d’un projet présenté) ou encore par la facturation des frais de transaction bancaire à l’initiateur du projet. La Banque Postale ou le Crédit Agricole sont ainsi les partenaires discrets de Kisskissbankbank.com ou de Babyloan.org. Au-delà du design de ces sites qui créent une fausse illusion de « circuit court financier », il existe également tout un processus de merchandising autour des projets, où en fonction du montant de la contribution donnée on se voit attribuer un porte-clés, une carte postale dédicacée, un sac design en toile de jute, une soirée avec les créateurs du projet. Il se dessine ainsi sur les différents sites, derrière ce sentiment de collecte solidaire, une compétition entre projets avec présentation léchée et surenchère sur les réseaux sociaux pour attirer des contributeurs transformés en simples consommateurs d’initiatives « créatives et innovantes ».

Avec ce «  formidable potentiel de croissance », le Medef ne s’y trompe pas : « Nous voulons que tout entrepreneur puisse via Internet s’adresser à des quantités d’investisseurs même modestes qui pourraient online mettre quelques milliers d’euros dans l’entreprise.1 » Lors du dernier Salon des entrepreneurs, Fleur Pellerin, ministre en charge des petites et moyennes entreprises, a déclaré vouloir développer le crowdfunding et a même assuré que le gouvernement comptait regarder « quels pourraient être les verrous réglementaires à faire sauter pour faciliter ce type de financement  ».

Ce qui n’empêche pas certains couacs de se manifester au grand jour. Ainsi MyMajorCompany.com, le premier site de financement participatif français, fait l’objet depuis un an d’une fronde de la part de certains contributeurs. Un millier d’entre eux (quand même !), à travers un site, tirent à boulets rouges sur la plate-forme, dénonçant l’opacité des dépenses engagées pour produire des artistes musicaux et autres retards de sorties de disques. Selon ces « internautes solidaires » mais désillusionnés, « ce système n’est finalement qu’un outil capitalistique de plus, créé sur mesure pour un monde en crise. Puisque le client n’achète plus le produit, on va lui en faire payer sa production en lui faisant croire comme toujours à des chimères.  » Et question chimères, MyMajorCompany.com s’y connaît ! Il y a à peine quelques mois, le site proposait de soutenir un projet (qui a abouti !) d’achat de 1 000 cierges pour illuminer Notre-Dame de Paris en l’honneur du pape…


1 L’Express, 3 mai 2012.

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2 commentaires
  • 26 novembre 2013, 16:46

    le crowdfunding avec prise d’intérêts ( prêt), tel que défendu par le medef a été ’encadré’ récemment ( a surtout été limité pour laisser le gros du gateau aux banques et fonds d’investissements) et n’a rien à voir avec le crowdfunding sans prise d’intérêt ( dons), tel que les milieux alternatifs l’ont toujours pratiqué (mais sans intermédiaire-s) sous le dénominatif de « souscription ».

    C’est dommage d’amalgamer les 2 pratiques...

  • 26 novembre 2013, 16:47

    et pourquoi citer ulule dans la première phrase pour ne même pas en parler une seule fois dans l’article ?

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