Édito-Sommaire

Au grand bazar de l’armement

En kiosque à partir du jeudi 31 décembre 2015.
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En une : "Le grand bazar de l’armement" par Baptiste Alchourroun.

Édito : La question du Pouvoir

A CQFD, on n’a jamais communié avec les grand-messes électorales. Certains ont pu parfois glisser un bulletin tactique, mais on sait bien que la marche du monde ne se joue pas dans les urnes. Et ce ne sont pas les récentes élections régionales grotesquement accouplées à l’état d’urgence qui nous feront changer d’avis.

Scrutin après scrutin, aux immanquables promesses de changement s’associe l’impossibilité déclarée de tout changement. Avec le vote contre le FN comme seul programme, on atteint, cette fois-ci, les derniers spasmes de l’impuissance politicarde. Pendant ce temps, la «  victoire idéologique » – comme le tweete Florian Philippot – de Le Pen est totale à l’heure où l’hémicycle s’apprête à réformer la constitution façon Pétain.

Alors, où se trouve le pouvoir réel ? Hors de tout contrôle démocratique : chez les technocrates et les lobbies de Bruxelles, les grands argentiers de Frankfurt ou les généraux du Pentagone – et lorsque le peuple vote mal, on l’humilie en lui signifiant que son suffrage vaut peanuts. Grecs et Français en savent quelque chose.

Où est notre pouvoir, celui des gens ? Il s’ancre dans des territoires concrets, des quartiers, des activités et des parages que nous aimons investir et défendre, où notre présence au monde a encore un poids, partagé, conscient de lui-même. Il est aussi dans le refus du modèle de réussite individuelle et de croissance cannibale.

En Espagne, même si les élections législatives du 20 décembre ne changeront rien au quotidien de la population, elles ont eu le mérite de mettre sur la table les questions de justice sociale.

En France, l’agenda et le discours du parti de la peur ont vampirisé la société, manipulant ses émotions à la baguette des sondages d’opinion. Tout est dit pour éloigner les possibles d’une transformation sociale. Tout est fait pour imposer la compétition de tous contre tous.

Les surprises électorales venues d’Espagne ne sont pas le fruit d’une meilleure offre sur l’échiquier politique, mais d’un mouvement social né il y a cinq ans sur les places et dans les assemblées populaires de quartier. Preuve que c’est en ouvrant des espaces propices à la communication directe que l’air redeviendra respirable.

Le dossier spécial : Au grand bazar de l’armement

Du civil au militaire et vice versa > Ces derniers temps, la frontière entre l’industrie de la guerre et celle du temps de paix, entre maintien de l’ordre civil et opérations guerrières, tend à devenir de plus en plus poreuse.

En Palestine, mais aussi à Ferguson, Diyarbakir, Villiers-le-Bel, Notre-Dame-des-Landes ou Calais, les mots pour dire la répression déploient autant d’écrans de fumée. On évoque des balles en caoutchouc dur, des Teasers à impulsion électrique ou des grenades lacrymogènes comme autant d’armes «  non létales  », «  sublétales  » ou «  à létalité réduite  ». Autrement dit, officiellement non mortelles ou sinon presque par hasard, question de dosage. Rien de nouveau, la guerre joue sur les mots. Le marché du contrôle social se gargarise d’euphémismes comme «  gestion démocratique des foules  » ou «  armement rhéostatique  » pour masquer sa capacité politico-technique à graduer l’impact sur les victimes, de la blessure paralysante à la mort instantanée.

Aujourd’hui, business is business, civil et militaire se marient allègrement. Mais ne nous leurrons pas, la guerre et l’après-guerre ont toujours constitué deux marchés complémentaires. Pour mémoire, la trajectoire d’un Louis Loucheur, qui mène du ciment armé à l’armement «  béton  ». Connu pour avoir donné son nom à une loi sur le logement, Loucheur a surfé sur la guerre de 14-18 comme sur la reconstruction. Deuxième fortune du BTP, bombardé ministre de l’Armement, il en profite pour réorienter son business industriel vers les obus et les wagons militaires. Cela lui vaut d’être qualifié de «  profiteur de guerre  » par une partie de la presse, puis de «  profiteur de paix  » quand il devient ministre délégué à la Reconstruction industrielle en 1918. La Société générale d’entreprises de Louis Loucheur s’est d’ailleurs tout naturellement intégrée dans l’empire Vinci en 2000. Les marchands de canons savent se fondre dans des marchés civils pour prolonger leurs profits tout en redorant leur blason.

La dualité, une vertu économique : Les exemples de perméabilité du civil et du militaire pullulent sur le marché des nouvelles technologies. Must du moment  : les «  fertilisations croisées  », les « clusters » et autres regroupements d’entreprises du même secteur. Ainsi, début décembre, Alain Rousset, président du conseil régional d’Aquitaine, se vantait d’accompagner plus de 80 PME «  duales  » – du civil vers le militaire et inversement  : «  Une entreprise tient bien quand elle est sur ses deux jambes : ici, nous parlons du civil et du militaire. » Et toutes les régions s’y mettent. Quant au ministère de la Défense, il consacre 11 millions d’euros au financement de 450 thèses et autres recherches à retombées militaires (radars, nanotechnologies pour la vision de nuit et la protection de cellules solaires, etc.), et un peu civiles… Même plan d’attaque avec les subventions octroyées par le Rapid (Régime d’appui PME pour l’innovation duale), mis en place par la Direction générale de l’armement et la Direction générale des entreprises dépendant de Bercy.

Bien entendu, la dualité entre le civil et le militaire pour la filière aéronautique et spatiale, comme pour les multinationales, les PME ou les start-up, est vantée comme «  facteur de compétitivité économique  ». Jusqu’ici, le transfert de technologies se faisait du militaire, qui finançait l’innovation, vers le civil, qui assurait les volumes et baissait les coûts de production. Désormais, les états-majors et les patrons œuvrent pour intensifier les flux dans les deux sens et travaillent à blanchir des activités liées à l’industrie de la mort. Ainsi Thales, grand groupe d’électronique spécialisé dans l’aérospatiale, la défense, la sécurité et le transport terrestre, fabrique des drones militaires et développe parallèlement des marchés civils  : passeport biométrique, gestion des visas Schengen et des fichiers de migrants, ou encore cryptage des données d’entreprises. Thales équipe les métros de Londres, du Caire, de Doha ou de Hong-Kong et fournit des radars civils et militaires à la Bolivie.

Tout cela peut sembler fort cynique, mais si nous nous endormons sur nos lauriers, nos concurrents – USA, Israël, Russie, Allemagne – ne nous feront pas de cadeau, eux qui n’ont pas autant de préventions humanistes que notre douce France  ! Ainsi se dessinent les contours d’une industrie et d’une technologie du contrôle des foules et de la pacification globale, devenues enjeux économiques prioritaires et modèles de gouvernance appliquée. Avec l’infini mérite d’acclimater le peuple à un état d’exception permanent. C’est la guerre, on se tue à vous le dire  !

Nicolas de la Casinière

Marchands de canons : une diplomatie vend-la-mort > Alors que la France célèbre sa deuxième place sur le podium mondial des ventes d’armes, 
retour sur la diplomatie économique à l’œuvre, entre nouvelle Françafrique institutionnalisée, antiterrorisme et prétendue mobilisation contre le chômage.

Toulouse : un complexe dual, mi-civil, militaire > La Ville rose et son agglo bichonnent un tissu industriel qui met la guerre au cœur de la paix.

Armes « non létales » : Genèse d’une imposture > L’enfer serait pavé de bonnes intentions. Les armes (dites) non létales aussi. Leurs inventeurs ont souvent nourri de candides espérances. Celles d’un avenir radieux, moins violent et sanguinaire. Cochon (armé) qui s’en dédit.

Logique marchande de guerre : « Chaque intervention militaire est une campagne publicitaire » > Entretien croisé avec Mathieu Rigouste et Rodrigo Nabuco de Araujo, respectivement chercheurs en sciences sociales et en histoire, 
sur les enjeux financiers de la guerre.

États-Unis : Les flics américains, de vrais petits soldats > Résultat d’une militarisation constante de la police depuis plus de vingt ans, les condés états-uniens se comportent comme une armée d’occupation. Même Obama en convient…

Israël : La pacification, c’est la guerre permanente > « Il y a un pays qui combat le terrorisme depuis 50 ans et qui n’a pas créé l’état d’urgence, pas créé de lois d’exception, qui n’a jamais dérapé, c’est Israël », déclarait Julien Dray sur le site lemondejuif.info, le 13 décembre dernier. Les attentats de Paris furent pour certains le moment d’en appeler à s’inspirer du modèle sécuritaire israélien. Mais n’est-ce pas déjà le cas ? Israël est devenu la source de référence en doctrines 
et de technologies militaires, car soumises à l’épreuve du feu.

Technologies : Le zingue du futur dézingue sa facture > « Ordi volant » et nid à bugs, le prestigieux avion yankee F-35 est un désastre économique. 
Mayday mayday.

Par Etienne Savoye.

Enquêtes et reportages

Air France : Sous la chemise, le foutage de gueule > On les aurait presque oubliés, après les attentats et les régionales, les cinq d’Air France virés à cause d’un incident vestimentaire. Comme on aurait tendance à oublier ce que cette compagnie aérienne fait sur ses salariés depuis très très haut.

Climat d’urgence : Carnet de COP > Le mois dernier, la 21e Conférence des parties (COP21) a réuni les États du monde entier pour discuter changement climatique. Un raout médiatique placé sous le signe de l’état d’urgence déclaré quelques jours plus tôt. Mais le climat policier n’a pas su rendre inaudible toute contestation.

Venezuela : Le chavisme prend l’eau > Après les élections de décembre que reste-t-il du chavisme ? Le « socialisme du XXI e siècle » n’aura-t-il été finalement qu’un modèle caudilliste reposant sur un système de rente pétrolière plus ou moins redistributif ? Alors que le pays connaît une inflation et une pénurie sans précédent, le chercheur en science politique Fabrice Andreani et le journaliste Marc Saint-Upéry, livrent, pour CQFD, une analyse sans complaisance sur l’histoire «  d’une farce à 500 milliards de dollars ».

Surveillance : Leviathan 
dans ta face > Pour l’antiterrorisme, c’est zéro. Mais pour garder les petits vieux en déshérence et alpaguer les kleptomanes dans les grands magasins, la technologie de vidéosurveillance dite intelligente fait une remarquable percée. Au doigt et à l’œil.

Royaume-Uni : Strike ! > Le droit syndical britannique compte déjà parmi les plus restrictifs d’Europe. Et alors ? La Chambre des communes a adopté en novembre dernier la « pire attaque contre les syndicats depuis 
les trente dernières années. »

Zomia, territoires sans État ? : Voyage au cœur d’une société qui ne voulait pas être gouvernée > Avec un ouvrage d’anthropologie anarchiste en poche et fasciné par ce qui pourrait être l’antithèse de notre société bureaucratisée sans retour en arrière, un voyageur curieux part à la recherche de Zomia, immense zone sans État dans le Sud-Est asiatique.

Ma cabane pas au Canada : « Je prends un logement » > Le centre social sicilien ExKarcere a été ouvert à Palerme, en 2001, quelques mois avant les événements de Gênes. Aujourd’hui, malgré les menaces et intimidations, le collectif d’occupant.e.s continue d’œuvrer au bien commun – sans chercher la paix sociale.

Cultures et analyses

Les vieux dossiers : La longue marche
des Taiping > Au beau milieu du XIXe siècle, un vent de révolte souffle sur le sud de la Chine. Derrière Hong Xiuquan, autoproclamé frère cadet de Jésus-Christ, des milliers de paysans et d’ouvriers prétendent renverser l’ordre impérial pour créer une société égalitaire.

Guerres de la drogue au Mexique : « Si un corps n’a ni nom ni histoire… » > Dans Mourir au Mexique – Narcotrafic et terreur d’État, John Gibler s’attaque à beaucoup plus fort que lui. Des dizaines de journalistes sont morts pour avoir mis le nez dans l’économie de la drogue et sa sale guerre.

Théâtre : « Je nomme l’adversaire, 
je ne le sublime pas théâtralement » > En dix ans, il a créé trois spectacles qui font mouche. Le premier dénonce la Françafrique, le deuxième l’industrie nucléaire, le dernier, Le Maniement des larmes, la vente d’armes et la corruption, les petits arrangements entre puissants. Sur scène, Nicolas Lambert incarne jusqu’à 20 personnages. Son credo ? L’éducation populaire. Rencontre avec un maestro des mots.

Dingo music : Wild wild sextet > Six musiciens atypiques sévissent dans le tonitruant Wild Classical Music Ensemble, formation belge oscillant entre musique noise, transe brute et envolées chamaniques. Discussion avec David Magnette, batteur et catalyseur d’un groupe viscéralement « autre ».

Marseille Quartiers Nord : « Sortir de la Casté » > Pendant un an, le photographe Teddy Seguin et son association Les Girelles ont travaillé à un projet commun avec des jeunes de la Castellane, dans les quartiers Nord de Marseille. Amiel, Afa, Fayad, Nani, Oussam, Rayan, Ryad et Slam ont verni leur première exposition, « Les quatre saisons de la Castellane », présentation d’un regard poétique, parfois ironique, sur leur cité.

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