« Soyons partout où ça crame  ! »

Par Robert Gibbings.

Quelques suggestions de livres-cadeaux mécréants pour pimenter vos réveillons. À nos amis par le Comité invisible (La Fabrique) démontre cliniquement, et aussi fort espièglement, que «  notre civilisation est déjà morte », que « la crise est un mode de gouvernement », que l’apocalyptique, intégralement absorbé par le capital, «  impose ici et maintenant l’attente, la passivité, la soumission ». Mais que nous ne sommes pas pour autant « foutus, ni archifoutus », comme disait le Père Duchesne. Puisque nous savons comment retourner les stratégies contre-révolutionnaires contre elles-mêmes. Comment « désarticuler le règne de la normalité dans les métropoles en y bloquant tout ». Comment « rompre avec la géographie existante ». Comment « habiter des terrains dans l’optique de ce qu’ils pourraient devenir  ». Comment « habiter quotidiennement une situation d’exception ».

Et encore comment «  nous tenir ensemble  ». Comment nous auto-organiser. Comment destituer toute espèce de pouvoir en nous et autour de nous. Comment mettre en commun. Comment en finir avec l’économie. Comment porter des coups. Comment retrouver «  les affects vitaux » qui aimantaient notre enfance. Comment alimenter notre force de frappe avec l’intensité même de ce que nous vivons. Autrement dit, comment mettre illico le cap sur l’utopie en anticipant celle-ci gredinement.

Les situationnistes tentèrent aussi, comme on sait, d’approcher l’esprit du nouveau monde ludico-libertaire auquel ils aspiraient dans leur style d’organisation anti-hiérarchique, dans leurs dérives hédonistes, dans leurs jeux guerriers ou dans leurs expériences d’urbanisme unitaire. C’est très minutieusement que leur offensive est décrite dans le tout à fait passionnant Rien n’est fini, tout commence (Allia), un entretien-fleuve de l’éditeur Gérard Berréby avec l’une des deux âmes très damnée du mouvement situ entre 1961 et 1969, Raoul Vaneigem. Sont interrogés parallèlement sur les frasques de l’auteur du Traité un de ses anciens élèves (qu’il logeait parfois chez lui flanqué d’une vingtaine de petits camarades  !), une de ses anciennes amoureuses, la chanteuse d’agit-prop à ses heures Clairette Schock et sa partenaire pivotale Thérèse Dubrule.

La nouvelle maison d’édition rebelle Le Pas de côté n’y va pas de main morte. Elle publie coup sur coup une dizaine d’invitations à une « autre idée de la vie » selon la formule du Comité invisible, dont trois rééditions (deux précieuses, une toquarde). Détruisons les machines (1863) de Samuel Butler, auteur british du légendaire roman utopico-luddite Erewhon, qui propose l’extermination immédiate de tout type de machine. « Ne faisons aucune exception, pas de quartier  ! » La Machine s’arrête (1909) de E. M. Forster, un classique du récit de techno-dépendance dans lequel les besoins physiques et spirituels de chacun sont désormais satisfaits par « la machine omnipotente ». Et ­L’Esclavage moderne (1900) où Léon Tolstoï a la bonne idée de proclamer que, pour délivrer les hommes, il faut pulvériser les gouvernements avant de préciser, l’andouille, qu’on doit néanmoins rester évangéliques en tendant l’autre joue aux oppresseurs qui nous frappent.

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