Dossier : « Luttes pour la terre »

Sous le béton, la déter’

Pour cet été, on a a concocté un dossier « Luttes pour la terre » qui galope dans l’envie de foutre un uppercut au vieux monde saccageur. En voilà l’intro.
Illustration de Plonk & Replonk

Tu ne le sais pas forcément, lecteur chéri, lectrice chérie, et on ne veut pas la jouer ouin-ouin, mais c’est parfois compliqué de faire un journal de critique sociale se voulant force de proposition et de contestation alors même que les temps ne sont pas exactement roses – encore moins rouges et noirs. C’est ainsi que chaque mois nous clapotons un chouïa dans l’hésitation à l’heure de choisir le dossier qu’on va vous proposer. Car les premières idées sont rarement joyeuses. Par exemple : « Tiens, si on se faisait un petit rappel de dix pages sur la répression policière en roue libre  ? » Ou bien : « Allez hop  ! On fonce sur un dossier consacré au fascisme qui grimpe et s’impose à tous les étages. » Ou encore : « Le Giec vient de sortir son 354 623e rapport alarmant sur la planète qui crame, c’est peut-être le moment de dire à quel point l’humanité fonce droit dans le mur  ? »

Pas vraiment porteur, tout ça. Pas de souffle. Pas d’horizon. La déploration et la dénonciation comme passages obligés. Oh, ce n’est pas qu’on trouve ça inutile, loin de là – on pense même qu’il est urgent de tirer ces sonnettes d’alarme. Mais parfois ça nous fout dans un état de dépression politique proche de la sidération impuissante – on est la biche prise dans les phares, ils sont les chasseurs avinés réglant la mire en écoutant les dernières vitupérations vomitives de CNews sur la « cancel culture » ou l’immigration, buuuurp.

Et c’est pour ça qu’on cherche à creuser dès que possible là où ça crépite dans un sens encourageant, où subsistent les lucioles. On l’a fait par exemple pour nos dossiers « Demain les bêtes » (n°198, mai 2021) ou « Vieillesses rebelles » (n°194, janvier 2021) ou « La Revanche du fantôme de la Commune » (n°196, mars 2021), mais sans avoir l’impression qu’il y avait dans le tableau dressé une force agissante en embuscade, prête à déborder le vieux monde en décomposition avancée pour le mettre sens dessus dessous et en imposer un nouveau, débarrassé de tout ce rance.

D’où notre enthousiasme au moment de te proposer dans ce numéro 200 un dossier déroulé sur un tapis d’étincelles qui pourraient très bien, sait-on jamais, se faire brasier. Son thème : « Luttes locales contre déprime globale ». Entendez : les combats pour la terre, contre l’accaparement du bocage, l’artificialisation et la destruction des sols, le capitalisme ravageur, le règne mortifère des Amazon et Lafarge de ce monde. Soit l’idée qu’on trouve dans nos contrées les plus reculées de petites poches de résistance au monde tel qu’il court à sa perte, qui n’attendent qu’un déclic pour s’unir et secouer l’existant – comme ça avait été le cas pour l’éruption soudaine des Gilets jaunes.

Brassant tout cela sur fond de renouvellement des générations impliquées dans les luttes écologiques, il y a notamment l’élan impulsé par la nébuleuse des Soulèvements de la Terre, née sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes (NDDL) et multipliant les coups de projecteur et de mobilisation sur des territoires en lutte contre le torpillage des terres, de Rennes à Besançon en passant par le fin fond de la Haute-Loire. Un mouvement qui n’en est qu’à son début, puisque la « Saison 1 » n’est pas encore terminée que les suivantes toquent à la porte. On s’y est plongés le temps d’un week-end en Loire-Atlantique, y piochant de larges réserves d’espoir [lire pp. II, III & IV]. Autre territoire en lutte, Bure, dans la Meuse, qui malgré la répression folle s’abattant sur les opposants à l’enfouissement des déchets nucléaires, ne baisse pas les bras – avec en guise de petit hourra un récent procès qui a vu l’accusation ridiculisée par une défense prouvant par le menu, que, oui, il s’agissait bien d’un procès politique [pp. VI & VII]. On peut aussi évoquer la présence aussi réjouissante que massive des femmes dans ces luttes [p. V] ; l’exemple historique du Larzac qui, comme la Zad de NDDL, continue à infuser dans les consciences [pp. X et XI] ; ou le modèle de répartition des pâturages de la vallée pyrénéenne d’Ossau faisant fi des frontières communales et de la propriété privée [p. XII].

Pas question de pavoiser cependant, encore moins de crier victoire. Mais simplement de signaler qu’ici et là de petites galeries sont creusées sous les étals viciés du monde capitaliste. Des microfissures, des lézardes, entre actions concrètes et insurrection des imaginaires, qui dévoilent le vrai visage du vieux monde et de sa manie répressive : une caste de fous dangereux qu’il est temps de mettre hors d’état de nuire. Y a plus qu’à intensifier l’élan. Qui en est ?

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