Bassines assassines

Sainte-Soline : la terreur pour seule réponse

Plus de deux cents blessés, dont quarante gravement. Des armes de guerre utilisées comme à la parade. Des chairs fracassées, explosées. Et deux personnes entre la vie et la mort. Voilà le bilan (provisoire) de la police de Darmanin et Macron pour la manifestation anti-bassines du 25 mars dans les Deux-Sèvres. Un pur déferlement de violence que rien ne peut justifier. On y était. Premier retour.
Photo Dark Blue

Sidération. Il a fallu un peu de temps pour comprendre l’ampleur de ce qui venait de se passer, commencer à discerner les contours des violences encaissées. Retour au camp quelques heures après le déchaînement de grenades diverses, lacrymos et LBD, près de la tente des médics surmenés, des personnes sont en état de choc. Les textos s’enchaînent pour savoir si tel camarade est sain et sauf. Les chiffres commencent à tomber. Il y aurait énormément de blessées et blessés, deux cents peut-être. Beaucoup de blessures graves. Des personnes en réanimation. Et ces questions sur toutes les lèvres : comment est-ce possible ? Tout ça en une heure et demie ? Pour défendre un cratère vide, une bassine même pas fonctionnelle ?

Les flics avaient pour consigne de faire mal, d’écraser, de pulvériser.

On reviendra plus en détails dans notre numéro d’avril1 sur ce qui s’est passé ce samedi 25 mars aux environs de la bassine de Sainte-Soline – l’enthousiasme du cortège de 30 000 personnes et la joie de l’action collective ; puis la violence froide et méthodique des gendarmes mobiles. Mais il y a déjà un enseignement à tirer : les flics avaient pour consigne de faire mal, d’écraser, de pulvériser. Une volonté qui se profilait déjà dans les déclarations martiales de Darmanin le vendredi soir : « Nous verrons des images extrêmement dures ».

Nous avons vu.
Des grenades assourdissantes ou explosives balancées au petit bonheur la chance, parfois très loin des premières lignes.
Des équipes de secours complètement surmenées, courant dans tous les sens pour tenter de répondre aux appels à l’aide – « médiiiicc !!! ».
Des blessures de guerre : orbite enfoncée par un tir de LBD, front explosé, nez arraché, dentitions dévastées, membres mutilés par les grenades explosives...
Des médics très vite démunis de tout matériel médical en raison du nombre effarant de blessés.
Des scènes qu’on jurerait tirées d’un épisode de Black Mirror, avec des duos de flics en quad déboulant comme des cow-boys, LBD en main.
4 000 munitions tirées, plus ou moins une toutes les deux secondes, entre grenades lacrymo, balles de caoutchouc, grenades assourdissantes ou explosives2 ; une saturation délibérée traduisant la volonté de blesser vite et mal.
Des personnes inconscientes transportées en urgence, portées par des bras amis tentant de les soustraire à la pluie de grenades pour les soigner plus loin.

Aux abords d’une petite route, seul point d’accès pour les véhicules de secours, un cri retentissait de toutes parts : « Dégagez la voie, l’ambulance va arriver ! Il y a des blessés graves ! » Encore et encore, comme une incantation : « L’ambulance va arriver ! »

Il était 13 h 30 quand S., l’une des deux personnes actuellement entre la vie et la mort, a été blessé. Malgré de multiples appels affolés au Samu, mentionnant l’extrême gravité de ses blessures, l’ambulance tant espérée n’est finalement arrivée qu’à 15 h 10. Motif ? Le commandement de la gendarmerie aurait fait barrage3. Criminel. Le point d’orgue d’une journée où les digues de la violence policière ont encore une fois cédé – un cran plus loin.

Alors que pleuvaient les grenades et que s’empilaient les blessés, l’heure n’était pas au chacun pour soi ni au sauve-qui-peut.

Ce que l’on retiendra de ce samedi, aussi, malgré tout, c’est la solidarité entre les personnes présentes. Alors que pleuvaient les grenades et que s’empilaient les blessés, l’heure n’était pas au chacun pour soi ni au sauve-qui-peut. Soins apportés en urgence dans des conditions dantesques, protection des blessés par des murs de parapluies, grandes distributions de sérum physiologique ou de Maalox, paroles apaisantes envers les personnes en état de choc... Une bienveillance agissante ne relevant pas de l’anodin, loin de là. Ce qu’elle dit : ils peuvent mutiler les corps, pas l’entraide.

Au départ de la manifestation contre l’accaparement des ressources en eau par l’agro-industrie mortifère, il y avait trois cortèges distincts, regroupés autour d’animaux et couleurs symboliques. Chacune et chacun choisissait entre les outardes roses, les anguilles turquoises ou les loutres jaunes, selon ses capacités à crapahuter et ses envies d’action. Une fois les gendarmes déchaînés, plus question de cortèges distincts. Et à l’heure du premier bilan, une seule certitude : ce samedi noir laissera des traces, chez les plus déterminés comme chez les plus pacifistes. Sur la route du retour au camp, un jeune homme choqué résumait bien l’état d’esprit des milliers de personnes qui ont vécu l’événement : « Ils avaient clairement la consigne de faire le plus de dégâts possibles pour défendre un simple symbole. On n’oubliera pas. Ce sont des assassins ! »

Émilien Bernard

Photo Soulèvements de la Terre

1 En kiosque le vendredi 7 avril.

2 Selon le bilan temporaire dressé ici par le site Lundi matin. Pour les catégories de grenades explosives, il s’agirait de munitions de type GM2L et GENL selon les indications de la Ligue des droits de l’homme, considérées comme des armes de guerre, n’en déplaise à Darmanin.

3 Le déroulé précis est notamment disponible sur le site de Bassines Non Merci, ici.

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