Rebondissement dans l’affaire Bettencourt !

L’ami Nardo, qui dessine à ses heures perdues pour le Chien rouge, le fait aussi pour d’autres. Bien mal lui en prend, car il était convoqué en septembre avec deux autres comparses devant la chambre des délits de presse du TGI de Paris.

Était ainsi reproché à notre Nardo et ses complices d’avoir « sur l’ensemble du territoire national », s’il vous plaît, « porté atteinte à l’honneur et à la considération » du considérable monsieur François-Marie Banier, celui-là même de l’affaire Bettencourt, par la publication sur le site de Bakchich d’un article qui « l’accablait ». En l’espèce, le témoignage d’un petit-fils, non pas de Bettencourt, mais d’une autre vieille amie de Banier, qui décrivait le photographe de manière haute en couleurs, « montant sur la table et urinant dans les tasses », ou bien encore, poussant mémé, non pas dans les orties, mais dans l’escalier. L’infâme Nardo avait orné le papier d’un répugnant dessin dans lequel un ignoble personnage disait : « Il escroque les vieilles peaux qu’il baise. » Circonstance aggravante, Bakchich avait casé l’article dans sa rubrique « Filouteries » et y avait ajouté le mot-clé « pickpocket ». Le directeur de la publication informa donc brièvement le tribunal sur la fonction respective des rubriques et des mots-clés sur un site web. La journaliste expliqua que « ça cognait dur à l’époque » et qu’elle avait donc cherché « un témoignage direct, pas des ragots » (en fait, plus prosaïquement, la retranscription du procès-verbal d’une audition par la police dudit petit-fils). Et avait-elle cherché à joindre le sieur Banier pour avoir son avis ? « Oui, je suis tombée sur quelqu’un qui s’est présenté comme son majordome. – Mais monsieur Banier dit qu’il n’a pas de majordome. – C’est ainsi qu’il s’est présenté, et je lui ai indiqué ce que j’avais dans ma besace. – Vous lui avez tout dit ? – Oui. – C’est peut-être, vis-à-vis d’un majordome, un manque de discrétion. » Diable, la justice n’est jamais contente.

Vint ensuite le tour de l’abject Nardo, qui avait pris soin de se déplacer à la barre avec le carnet à dessins dans lequel il venait de croquer le juge. Il indiqua, l’insolent, que l’article l’avait fait rire, ce qui arracha un rictus au tribunal. « Les commentaires, vous n’y êtes pas allés de main morte quand même ! » – à quoi le docte Nardo répondit que « dans le dessin de presse, l’espace est limité, et ce langage un peu percutant est nécessaire », avant d’ajouter, l’effronté, que « parfois, certains peuvent trouver ça déplorable et il y a des dessins qui ne me font plus rire, mais celui-là, si, toujours ». Le juge hocha la tête et indiqua sobrement : « Pas monsieur Banier ». Puis il ajouta tout aussi sobrement : « La partie civile demande 10 000 euros. »

L’avocat de Banier se leva, rappela que c’était la troisième fois qu’il se retrouvait devant ce tribunal pour des faits similaires et que chaque fois il avait gagné (il ne précisa pas tout de suite : un euro symbolique). Il crut bon d’ajouter que son client était particulièrement soucieux qu’on puisse le joindre, et qu’il mettait ainsi, grand seigneur, « un site Internet avec une rubrique ‘‘contact’’ » à la disposition du public. Loin de charger le vil Nardo, cependant, il rendit hommage à son à-propos : « Il indique bien, de manière vulgaire, ce à quoi on pense une fois qu’on a lu l’article. » Tant et si bien que même le procureur requit la relaxe pour le dessinateur outrancier – mais pas pour ses co-accusés. Délibérés le 21 octobre. Saura-t-on enfin si le scélérat Nardo a bel et bien réussi à séduire tout un tribunal ?

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Paru dans CQFD n°93 (octobre 2011)
Dans la rubrique Médias

Par Juliette Volcler
Mis en ligne le 24.11.2011