Mais qu’est-ce qu’on va faire de...

Patrick Mennucci ?

On venait d’arriver à Marseille. Et, grâce à un Pacs, de transformer une démission en « rapprochement de conjoint », le sésame pour accéder au Saint Graal (Pôle emploi). Pour fêter ça, nous voilà au vallon des Auffes, au restaurant Chez Fon-Fon pour une bouillabaisse. Et tandis qu’on hésitait entre rouille, soupe et poisson, retentit dans notre dos une voix de stentor évoquant la figure tutélaire de Léon Blum !

En nous retournant, on découvrit la silhouette massive et rondouillarde, tout droit sortie d’une caricature de Daumier, de cette figure du socialisme marseillais qu’est Patrick Mennucci. Là-bas, il joue à domicile. Il y possède une modeste « maison de pêcheur » (d’une valeur de 450 000€). Sauf qu’aujourd’hui, il ne sait plus où il habite. Et se demande s’il ne va pas finir à la rue.

Alors qu’il a tout perdu, que le PS est en lambeaux, qu’il ne lui reste plus que son mandat de député pour rester propre, Mélenchon vient d’atterrir dans sa circonscription pour les législatives. S’il est commun chez les socialistes de s’entre-déchirer (c’est même à ça qu’on les reconnaît), il n’est rien de pire pour l’un d’eux que d’affronter un ancien. Surtout lorsque celui-ci réalise des scores soviétiques, avec des meetings aux allures de grand-messe et des déplacements façon rock star.

Une campagne électorale, ça ressemble à une course de petits chevaux. Mais là, on se croirait dans une cour d’école. Dans l’adversité et face à l’adversaire commun, socialistes et communistes crient à l’unisson : « C’est pas d’jeu ! » Une complainte reprise par En Marche !

Coup bas et de pression, invectives et noms d’oiseau, menaces à peine voilées, ça ne vole pas très haut. Comme les sondages : avec à peine 13%, Mennucci ne serait même pas qualifié au second tour ! Verdict d’un de ses « camarades » : « Pour lui, c’est cuit... »

Le bonhomme n’a jamais été à plaindre. Encarté par son père à 14 ans au PS, il commence à la Mnef, sera garagiste, marchand de biens et aura pour tuteur le multi-mis en examen Jean-Noël Guérini, l’ancien homme fort du PS des Bouches-du-Rhône avant que les affaires ne le rattrapent.

Pour grandir, il faut, dit-on, tuer le père. Sans succès. Aux municipales, c’est plutôt lui qui s’est fait trucider par celui qu’il a tenté de renier. Mais les défaites, il connaît : il a dirigé la campagne de Ségolène Royal ! Aux dernières primaires, il ne savait à quel saint se vouer. Il finira par choisir... Vincent Peillon. Perdu ! Et soutiendra, bon gars, Hamon. Itou...

Si on comprend mal, vu sa situation, qu’il ait pu militer contre le « revenu universel », on saisit un peu mieux son soutien à la dépénalisation du cannabis. On le plaindrait presque, lui qui, pourtant, a voté comme un seul homme toutes les propositions du quinquennat Hollande. Récompensé en cela par le titre de « député de l’année ». Aux côtés du très à droite Éric Ciotti, avec lequel il signera un rapport sur les filières djihadistes. Mais, patatras, au même moment, Mennucci fera parler de lui avec un autre rapport. Sabine Bernasconi, celle qui a pris sa place à la mairie des 1er et 7e arrondissements, a demandé un audit de la gestion de son prédécesseur. Où l’on apprend, par exemple, qu’il s’était payé une cuisine à 14 000 € juste à côté de son bureau...

Depuis, de défaite en branlée, de sortie d’école en marché, il traîne comme un boulet sa carcasse de notable qui n’a plus grand-chose à vendre. Comme une vache dans un corridor, la cible est facile. Presque trop tant, dans ce métier de chien qu’est celui de politicien, la règle, c’est qu’il n’y en a pas. En témoignent les attaques de ses adversaires par tweet contre sa compagne et assistante, alors atteinte d’un cancer, peu de temps avant qu’elle ne disparaisse...

Michel Samson, qui, avec la superbe série documentaire Marseille contre Marseille, aura croisé Mennucci sur des décennies, avait saisi en 2014 la solitude du coureur de fond, comme ce meeting en haut de La Canebière où seul le mistral avait répondu présent.

Prémonitoire ? Il y a quelques années, juste à côté de ce quartier emblématique du centre-ville marseillais qu’est La Plaine, rue Saint-Savournin, s’était installé un squat, Le Tableau noir, à la place de ce qui fut et de ce qui est redevenu une école. Mennucci avait voulu s’y inviter. En vain. Et de s’offusquer : « Me refouler, moi ?! Alors que je suis chez moi ! C’est ici que je réalise mes meilleurs scores ! »

On connaît la chanson. Et comme le bonhomme a du coffre et que sa voix porte, lui qui, chaque année, s’invite à la commémoration de la mort de Louise Michel, on le verrait bien, maintenant qu’il va avoir du temps et qu’il s’est saisi du dossier de réaménagement au forceps de La Plaine, rejoindre cette chorale marseillaise engagée et engageante qu’est La Lutte enchantée. Et revisiter, dans cet ensemble, l’hymne de ce qui fut son quartier et de ceux qui le défendent bec et ongles : « Touchez pas à ma Plaine ! »

(Sébastien Boistel est un ami, voisin et confrère membre du mensuel « d’enquête et satire en Paca » Le Ravi.)

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