L’édito du 184

OSS 2020

« Une dictature c’est quand les gens sont communistes. Qu’ils ont froid, avec des chapeaux gris et des chaussures à fermeture éclair »...

« Une dictature c’est quand les gens sont communistes. Qu’ils ont froid, avec des chapeaux gris et des chaussures à fermeture éclair. » Au moins, la définition de la dictature proposée par le personnage incarné par Jean Dujardin dans OSS 117 avait pour elle d’être tellement outrancière qu’elle faisait marrer. C’était d’ailleurs l’objectif du film de Michel Hazanavicius.

Emmanuel Macron, lui, n’a rien d’un comique. Sa déclaration du 23 janvier dernier ne baignait ainsi dans aucun second degré : » Aujourd’hui s’est installée dans notre société – et de manière séditieuse, par des discours politiques extraordinairement coupables –, l’idée que nous ne serions plus dans une démocratie, qu’une forme de dictature se serait installée. » Et le mauvais Guignol d’enchaîner : « Mais allez en dictature. Une dictature, c’est un régime où une personne ou un clan décident des lois. Une dictature, c’est un régime où on ne change pas les dirigeants, jamais. Si la France c’est cela, essayez la dictature et vous verrez ! »

Sûr que dans la France de 2020, quelques garanties nous protègent encore de l’État totalitaire. Mais en fait d’État splendidement démocratique, nous avons droit à un néolibéralisme autoritaire qui s’affirme chaque jour davantage par l’étendue de sa surdité et de sa fureur répressive.

« Un régime où une personne ou un clan décident des lois » ? Nous n’en sommes vraiment pas loin. Plus d’un mois et demi de grève des transports, des blocages sur tout le territoire, des cortèges sans cesse renouvelés et des actions de protestation toutes plus inventives les unes que les autres… Mais rien à faire : le pouvoir s’acharne à faire passer sa réforme des retraites. Même l’avis au vitriol du Conseil d’État n’y a rien changé. Et quand ce sont les enseignants et les lycéens qui protestent contre une réforme du bac qui ne fera qu’accentuer les inégalités, la stratégie est la même : le passage en force. Et la bastonnade assénée par une police plus que jamais en roue libre, malgré de bien hypocrites et tardifs rappels à l’ordre de Macron et Castaner, son caniche de l’Intérieur.

La bonne nouvelle, c’est que la colère est tellement forte qu’elle commence à déborder. Hallucinante scène le 31 janvier, quand des dizaines d’avocats remontés ont tenté d’investir le ministère de la Justice. Réjouissant spectacle que de voir les ministres et autres parlementaires de la majorité empêchés, les uns après les autres, de présenter sereinement leurs vœux pour la nouvelle année. Le ministre de la Culture, Franck Riester, a même préféré renoncer à sa petite cérémonie personnelle. Quant aux figures de la Macronie en campagne pour les municipales, Benjamin « Gris-Veau » en tête, elles voient leurs piteuses réunions consanguines immanquablement perturbées par des manifestants en colère. Jusqu’au Résident de la République en personne qui se fait exfiltrer par ses gardes du corps quand il s’aventure à une pièce de théâtre. Risible spectacle d’un pouvoir tellement haï – et comment ! – qu’il n’existe plus un seul lieu où il peut déambuler sans convoquer une petite armée pour le protéger.

Alors oui, parler de dictature est sans doute un peu exagéré. Mais cette course en avant n’augure rien de bon. Et n’oublie pas, Emmanuel, que ça ne finit pas toujours bien. Tu as déjà entendu parler des derniers jours de Nicolae Ceaușescu et de sa meuf ?

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