Nous voulons faire zig zig

Même s’il a été nommé ubuesquement chevalier de l’Ordre national du mérite, j’ai envie de faire des risettes à Marcel Nuss, l’auteur de En dépit du bon sens - Autobiographie d’un têtard à tuba (Éditions de L’Éveil), qui, atteint d’une amyotrophie spinale carabinée nécessitant une assistance non-stop, exige pour lui et ses pareils le droit à l’utopie sexuelle immédiate. Pour mettre en branle son Association pour la promotion de l’accompagnement sexuel (Appas), marrainée par Brigitte Lahaie et quelques escort-girls volcaniques, il n’y va pas en effet de main morte  : il dénonce le règne de la maltraitance médicale et administrative. Il fustige l’impéritie et le fauxculisme de tous les politiciens. Il démontre avec ses petits camarades « handignés » que jusqu’ici toutes les politiques du handicap (la délégation de gestes de soins, etc.), ça a été de la couille molle. Il multiple les opérations commando en fauteuil roulant électrique contre le puritanisme répressif des pouvoirs publics, bloquant tantôt la circulation, prenant tantôt d’assaut l’Élysée en criant à tue-tête  : « Nous voulons faire l’amour  ! »

Peter Fendi 1835.

On reste dans la débauche requinquante avec Les Fruits défendus (Stock) de Thomas Bouchet qui pose d’emblée une satanée question : socialismes et émancipation sensuelle sont-ils compatibles ? C’est évidemment le moment du face-à-face entre les deux conceptions principales du socialisme. Le « socialisme de la grisaille », « sacrificiel, blafard, anesthésiant » qui tient le haut du pavé aujourd’hui. Et le socialisme jouissif, vadrouillant si souvent dans cette rubrique, que l’essai de Bouchet n’a pas de mal à débusquer à travers les deux derniers siècles. Ça commence – s’en étonnera-t-on ? – avec Le Nouveau Monde amoureux de Fourier (réédité aux Presses du réel) qui invite, car c’est ça le bonheur, à « avoir beaucoup de passions et beaucoup de moyens de les satisfaire ». Ça continue avec la saint-simonienne inorthodoxe Claire Démar qui oppose « la constance forcée qui rend esclave » à «  l’inconstance émancipatrice ». Ça se poursuit avec « les orgies de carnaval », le libertinage pendant la Commune rarement évoqué, Joseph Déjacque vantant à la fois les appétits du cœur, du ventre, de l’esprit, de la chair, Paul Lafargue célébrant le dieu Fainéantise, Marcel Sembat conciliant l’engagement politique et le plaisir des sens ainsi que les « milieux libres » de la Belle Époque où l’on tentait de mettre en pratique tout de suite les idéaux anarchistes.

Et puis, c’est tout naturellement que ça se couronne en beauté avec les hédonistes enragés d’après 68 n’ayant guère leur équivalent de nos jours (les situs, le FHAR, Sorcières, Tout  !, Sexpol).

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1 commentaire
  • 19 juillet 2015, 11:07, par Olive Oyl

    Question 1 : quand Marcel Nuss, soutenu par Noel Godin, aura gagné son combat, combien d’offres d’emploi « accompagnante sexuelle » pourra-t-on refuser avant de se faire sucrer ses allocations chômage ?

    Question 2 : y aura-t-il une formation pour devenir « accompagnant-e sexuel-le » ? De quelles matières sera constitué le cursus ?

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