Cap sur l’utopie

Non à une vie « limitée, normale, banale » !

Murray Bookchin, dont les sympatoches éditions montréalaises Écosociété viennent de rassembler les textes pionniers clés (1965-70) sous le titre Au-delà de la rareté et sous le sous-titre non moins explicite L’Anarchisme dans une société d’abondance, reste l’agitateur anarcho-utopiste bien rationnel par excellence. Partant du principe qu’on n’a aucunement le choix, que « l’alternative se situe entre l’utopie ou l’extinction en tant que société », que de par leur nature libertaire même les groupes qui vont réimaginer la société devraient « encourager le révolutionnaire à se révolutionner lui-même », à « infléchir sa propre destinée », à « faire de sa vie une expérience multiforme, pleine et totale », il propose qu’on se crée ensemble tout de suite dans la spontanéité une société non hiérarchique et non concurrentielle de l’auto-épanouissement généralisé. Une société complètement autogérée naturellement et « contrôlée par tous » où « chacun et chacune serait partie prenante de la vie politique » et vivrait dans l’abondance grâce aux progrès de la technologie moderne dans des « écocommunautés décentralisées et confédérées ». « Ce dont nous sommes les témoins aujourd’hui, conclut Bookchin, c’est l’éclatement de toutes les institutions bourgeoises, à un moment de l’histoire où les concepts les plus audacieux de l’utopie sont réalisables. »

Dans d’autres de ses écrits incorporés également dans ce recueil, l’auteur d’Une société à refaire donne des pistes pour passer des assemblées de résistance, des soviets d’usines, des comités d’action, des groupes d’affinités à une vraie révolution qui dure. Pour rappel, le dégourdi présentateur de l’ouvrage, Vincent Gerber, de mèche avec Floréal Romero, a frigoussé récemment pour la collection «  Les précurseurs de la décroissance  » du Passager clandestin un stimulant Murray Bookchin, Pour une écologie sociale et radicale.

« L’Anarchie n’est rien d’autre que la liberté organisée, une recherche permanente de l’harmonie entre responsabilité et liberté, entre individu et société.

– Cette idée ne te paraît-elle pas trop utopique, papa  ?

– Bien sûr. Mais toute l’histoire de l’humanité n’est rien d’autre qu’un cheminement vers l’utopie. Cette dernière n’est pas une illusion, c’est plutôt un rêve qui n’est pas encore réalisé, mais pas irréalisable. […] Celui qui ne renonce pas au rêve a la certitude d’aller de l’avant. Celui qui s’arrête se résigne à une vie limitée, normale, banale. »

Tous les enchaînements de dialogues déployés dans la plaquette didactique L’Anarchie expliquée à ma fille du cheminot Pippo Gurrieri (Atelier de création libertaire) coulent d’une façon aussi savoureuse. Aucune objection de la petite fille hypercritique du narrateur n’est jamais éludée. On y répond avec une rafraîchissante clarté et l’on examine dans les détails ce que pourrait être une « société libérée ».

« La société sera organisée autour de structures de base, les assemblées municipales ou de territoire, elle sera axée sur des formes associatives libres, centrées sur la collaboration réciproque et sur une éthique positive. […] Toute curiosité et tout désir, jusqu’à toute controverse liée à des divergences d’opinions, seront les bienvenus. Ce sera une société en mouvement continu. […] Un écrivain d’Amérique latine, Eduardo Galeano, a écrit à ce propos que “l’utopie est comme l’horizon, tu fais deux pas, il s’éloigne de deux pas, tu en fais dix, il s’éloigne de dix. L’horizon est inatteignable. Alors à quoi sert-elle l’utopie  ? Elle sert à continuer à marcher.” »

À faire déferler dans les établissements scolaires, hospitaliers, pénitentiaires et thermaux.

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1 commentaire
  • 17 août 2018, 01:07, par Marcel Sévigny

    De la poésie politique libertaire ce texte, rien de moins !

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