Drogues : la guerre perdue

Michoacan : Quand le narco fait la loi

Voilà dix ans que l’arrivée des cartels de la drogue a bouleversé la vie des habitants du Michoacan. C’est là qu’à peine élu, le 11 décembre 2006, le Président Felipe Calderon inaugurait sa tristement célèbre « guerre contre le narcotrafic ». L’état était alors le lieu d’une bataille sanglante entre les deux principaux cartels du Mexique, le cartel de Sinaloa et le cartel du Golfe, pour le contrôle du port de Lazaro Cardenas, infrastructure stratégique pour le convoyage de la cocaïne et l’importation de l’éphédrine, composant chimique indispensable à la production des drogues dites « synthétiques » – cristal, crack, ecstasy, amphétamines.

C’est dans ce contexte de militarisation que va s’affirmer une nouvelle organisation criminelle, la « famille du Michoacan ». S’appuyant sur une philosophie pseudo-évangélique, les nouveaux capos prêchent leur désir de nettoyer la région du vice et des cartels extérieurs par l’application sanglante de la « justice divine » : crimes, vols ou violences commis par d’autres membres que ceux de l’organisation se retrouvent dès lors punis de manière exemplaire, souvent par décapitation. Couvrant une « participation » sur tous les échanges économiques, légaux ou illégaux, le cartel achète facilement la complicité des polices et politiciens locaux, tout en développant une action « sociale » – construction d’écoles, d’églises et de centres de désintoxication (sic) –, qui lui permet de prendre le contrôle de plusieurs dizaines de municipalités rurales. L’organisation étend peu à peu sa toile sur le Mexique et jusqu’aux principales villes des États-Unis, qui la considèrent aujourd’hui comme l’une des principales organisations criminelles agissant sur son territoire. Dès lors, arrestations et opérations militaires se succèdent, aboutissant en décembre 2010 à l’assassinat par les militaires de son principal dirigeant, Nazario Moreno Gonzalez, surnommé « el más loco » [« le plus taré »]. Mais, désormais reconstituée sous le nom de cartel des « chevaliers templiers » [« los caballeros templarios »], sa bande en a depuis fait un martyr, célébré au Michoacan sous le nom de Santo Nemesio.

Bien plus que les opérations militaires commanditées par Felipe Calderon, ce sont aujourd’hui les groupes d’auto-défense qui constituent la principale épine dans le pied de l’organisation criminelle. Apparues dès 2011 à Chéran et dans différentes autres communautés indigènes purepechas du Michoacan, les milices communautaires se multiplient en plein cœur de la zone d’influence du cartel. À Tepalcatepec, Coalcolman, l’Aguililla ou los Reyes, durant ces derniers mois, les habitants, lassés des extorsions, du totalitarisme et des exactions quotidiennes, se sont soulevés, obligeant les saigneurs du cartel des Templiers à battre en retraite.

A lire : le dossier « Mexique indigène : Qui fait la police ? » dans CQFD N°115, en kiosque jusqu’au 15 novembre 2013, dont l’article « La police communautaire face à la guerre de basse intensité » est proposé en ligne.

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