Mais qu’est-ce qu’on va faire de… Sonia Backès ?

Retour d’une chronique emblématique de CQFD : Mais qu’est-ce qu’on va faire de... Avec aujourd’hui une caldoche aux dents longues.

Elle n’est pas la plus connue des membres du gouvernement, et pour cause : Sonia Backès a bâti sa carrière à l’autre bout du monde, du côté de la Nouvelle-Calédonie. Modeste secrétaire d’État en charge de la Citoyenneté, cette « Caldoche » (Calédonienne d’origine européenne) est tout de même la première figure politique de cette collectivité d’outre-mer à parvenir si haut dans l’exécutif français.

Ce n’était pourtant pas gagné. En 2017, lors du second tour de la présidentielle, notre star du mois avait apporté un soutien à peine voilé à Marine Le Pen, refusant de donner une consigne de vote, mais assurant « avoir toute confiance dans le discernement [des électeurs] pour déterminer lequel des deux candidats répondra le mieux aux enjeux qui attendent la Nouvelle-Calédonie, en particulier pour ce qui concerne notre maintien au sein de la République et le retour de l’autorité de l’État  ». La sortie du candidat Macron qualifiant la colonisation de crime contre l’humanité lui était restée en travers de la gorge, expliquera-t-elle… Il faut croire qu’elle s’était sentie concernée, elle qui avait pourtant lancé quelques années plus tôt : « Moi, je n’ai jamais colonisé personne ! »

Cinq ans plus tard, sa défiance vis-à-vis de Macron a fondu comme neige au soleil du Pacifique. En janvier, lorsqu’elle se rallie au président-candidat, celle qui ne colonise personne est admirative : « Si la Nouvelle-Calédonie est restée française, c’est grâce à l’engagement d’Emmanuel Macron. » Comment lui donner tort ? Le chef de l’État a incontestablement fait le maximum pour ruiner le processus de paix puis de décolonisation mis péniblement en œuvre depuis trois décennies dans l’archipel. Terminant même son premier mandat par l’organisation d’un scandaleux référendum d’autodétermination sans les indépendantistes (qui l’avaient boycotté). Autant dire quasiment sans les principaux intéressés, les Kanak eux-mêmes 1. Le camp « loyaliste » (entendez : contre l’indépendance) a apprécié, ses deux députés ont rejoint la majorité présidentielle.

Parfaite lune de miel entre Macron et l’extrême droite coloniale néo-calédonienne

L’entrée de Backès au gouvernement n’est donc que la dernière illustration de la parfaite lune de miel que filent désormais Macron et l’extrême droite coloniale néo-calédonienne. Elle a interrogé jusque dans ses propres rangs : le gouvernement, à l’heure d’entamer des négociations tendues sur l’avenir de l’archipel, n’avait-il pas mieux à faire qu’embarquer à son bord une des figures de proue les plus virulentes des anti-indépendantistes ? Surtout que Backès n’est pas rattachée à n’importe quel ministère : elle dépend de l’Intérieur et de son « ami » Darmanin… lequel a aussi récupéré sous sa tutelle le portefeuille de l’Outre-mer – et du coup l’explosif dossier néo-calédonien. Si officiellement la secrétaire d’État n’aura pas prise dessus, le doute subsiste et le symbole est lourd.

Méconnue dans l’Hexagone certes, mais peut-être plus pour longtemps : en un été à peine, Backès a déjà su faire parler d’elle. Elle a d’abord refusé, après sa nomination, de quitter son poste de présidente de la province Sud de Nouvelle-Calédonie, s’asseyant allègrement sur la règle (pourtant réaffirmée par Macron) de non-cumul des mandats. « Aucun problème », selon elle, malgré les 24 heures nécessaires au bas mot pour rallier Paris à Nouméa. Puis début septembre, elle s’est retrouvée brièvement sous le feu des projecteurs pour avoir embauché comme conseiller spécial un des principaux soutiens néo-calédoniens d’Éric Zemmour. Face à la polémique naissante, Backès a dû le débarquer à contrecœur. Chassez le naturel…

Benoît Godin
Illustration de Gautier Ducatez, pour un article de janvier 2020 (n°183), intitulé « Voyage au bout de l’indépendance »

1 Lire à ce sujet « En Kanaky, le variant delta du colonialisme », CQFD n°204 (décembre 2021).

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CQFD n°213 (octobre 2022)

Dans ce numéro, un dossier sur l’inflation : « Les poches vides & la rage au ventre ». Mais aussi un appel à soutien, l’audacieuse tentative de la Quadrature du Net qui cherche à faire interdire la vidéosurveillance partout en France, un reportage dans une bourgade portugaise en lutte pour préserver des terres collectives face à une mine de lithium, une analyse sur l’Italie postfasciste...

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