Nouveau patron pour les patrons

Mais qu’est-ce qu’on va faire de… Geoffroy Roux de Bézieux ?

Enfin, il y est arrivé. Après s’être fait griller la priorité par Laurence Parisot en 2010, puis s’être rangé derrière Pierre Gattaz en 2013, Geoffroy Roux de Bézieux a été nommé en juillet dernier nouveau boss du Medef. Victoire...

Le fringant quinquagénaire a mené sa campagne autour de la révolution numérique. Un choix politique loin d’être anodin : quatre ans après avoir lancé l’Université du numérique au Medef, Roux de Bézieux a gagné le soutien du gratin de la French Tech 1 pour cette élection. Frédéric Mazzela (BlaBlaCar), Pierre Kosciusko-Morizet (PriceMinister), Marc Simoncini (Meetic) ou encore Stéphane Treppoz (Sarenza) ont tous appuyé sa candidature.

L’objectif affiché de celui qui est surnommé GRB ? Dépoussiérer l’image vieillissante du syndicat des patrons. Quitte à se mettre en scène. Avec sa gueule de rugbyman, GRB n’hésite ainsi pas à recevoir des journalistes dans le garage de son hôtel particulier reconverti en ring. Ou encore à poser pour Paris-Match en short moulant lors d’un triathlon, son activité favorite, tout en distillant des aphorismes fumeux tels que : «  Le sport, comme l’entrepreneuriat, c’est l’école de la ténacité.  »

Derrière cette image d’entrepreneur dynamique se cache pourtant un pur produit de la classe patronale traditionaliste. Issu de la noblesse lyonnaise, Geoffroy Roux de Bézieux est le fils d’un directeur de banque ayant servi en tant que lieutenant légionnaire durant la guerre d’Algérie. Élève de l’ultra-catho lycée Notre-Dame de Sainte-Croix à Neuilly, puis diplômé de l’école de commerce Essec, GRB marche dans les pas de son père en rejoignant à vingt ans les commandos marine. Pas peu fier de ses opérations spéciales au Liban et à Djibouti, le patron des patrons est encore aujourd’hui officier de réserve.

Après avoir goûté aux joies militaires, celui que ses compagnons décrivent volontiers comme « un mâle dominant » devient un para de la guerre économique. Fort de ses dix ans de carrière au sein du groupe L’Oréal, Roux de Bézieux fonde en 1996 The Phone House, une chaîne dédiée à la vente de téléphones portables. Devenu une figure clé du secteur, il lance ensuite Virgin Mobile en 2006, qui fera définitivement son succès en tant que businessman. Désormais à la tête d’un fonds d’investissement spécialisé dans la gastronomie de luxe et les startups, GRBse définit auprès des médias comme un « serial entrepreneur ».

Un serial killer plutôt, au vu de son parcours d’homme d’affaires. En 2000, il empoche en effet 40 millions d’euros après avoir vendu The Phone House, franchise qui mettra la clé sous la porte quelques années plus tard en laissant 1 200 salariés sur le carreau. Puis il cède Virgin Mobile en 2014, se renflouant au passage d’une vingtaine de millions d’euros tandis que neuf anciens cadres se partagent un bonus de 10 millions. Les salariés ne reçoivent, eux, qu’une maigre prime de 1 800 € brut. « Travailler avec moi, c’est un peu marche ou crève, fanfaronnait le viril Roux de Bézieux dans un entretien accordé à l’émission Enjeux-Les Échos en 2011. Avec beaucoup de plaisir si on marche et beaucoup de souffrance autrement. Et je ne fais pas de prisonnier  »

L’ancien bidasse aime aussi patrouiller dans les couloirs feutrés du pouvoir. De 2005 à 2008, il préside ainsi CroissancePlus, un influent lobby d’entrepreneurs qui a beaucoup milité pour la flat tax 2 et le plafonnement des indemnités prud’homales, deux mesures adoptées récemment par la Macronie. Parachuté président de l’Unedic (l’ex-assurance chômage) en 2008, il mène à bien un vieux rêve de la droite libérale : la fusion des Assedic et de l’ANPE, pour donner naissance à Pôle emploi, un guichet unique permettant de mieux fliquer les chômeurs. GRB rejoint même la sinistre commission Attali « pour la libération de la croissance française » lancée par Sarkozy en 2007. Une démarche des plus naturelles pour cet auteur d’un ouvrage au titre évocateur, Pour sortir de la crise, le capitalisme (2011). Et qui se proclame grand admirateur de l’économiste américain ultralibéral Milton Friedman.

Malgré les ambitions de GRB d’incarner un Medef 2.0 passé à l’ère du numérique, sa feuille de route se contente de reprendre la sempiternelle litanie du patronat français : baisse des charges et du coût du travail, simplification du code du travail, dialogue social à l’échelle des entreprises. Le 29 juin, à l’antenne de RTL, le patron des patrons assure aussi que, contrairement à ce que suggèrent certains Républicains, une augmentation de 10 à 20 % du SMIC «  ce n’est pas sérieux »… Et d’affirmer dans la foulée que le salaire minimal se situe à 1 280 € net, soit 110 € de plus que la réalité. Une bagatelle pour le très libéral noble de Neuilly. «  Les Français savent que demain, ce sont nous, les entrepreneurs, qui allons changer le monde », déclarait sans ambages Roux de Bézieux la veille de son investiture. C’est oublier qu’une grève générale peut aussi à elle seule « changer le monde ».


1 French Tech est un label utilisé par les (dites) entreprises innovantes françaises.

2 Aussi nommée « prélèvement forfaitaire unique », la flat tax impose tous les citoyens au même taux. Cette retenue de 30 % regroupe impôt sur le revenu et prélèvements sociaux, et s’applique à tous les revenus du patrimoine.

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