Rage dedans le dossier

« Les socialistes tiennent ce qu’ils promettent. »

Je suis retombé sur un vieux bouquin, paru juste avant l’élection présidentielle de 19811, et dont les auteurs, biberonnés au crypto-gauchisme, fustigeaient, avec une grande virulence, « l’État-Giscard ».

L’on y trouve, notamment, dans un chapitre dédié à la vitupération d’une « justice asservie » aux « intérêts personnels » et « partisans » de la droite régnante, ce rude – mais juste – constat : « Les “opérations coup de poing” […], les expulsions illégales de travailleurs étrangers, les interventions [policières] violentes […], les assignations à résidence de réfugiés politiques se font toutes au nom de la sécurité. […] Au nom de la sécurité, c’est-à-dire au nom de l’insécurité, du subjectif, de l’irrationnel, au nom de la sécurité des citoyens, c’est la sécurité de l’État que l’on cherche à assurer. De l’une, on passe insensiblement à l’autre : le glissement est aisé ; le détournement de l’arsenal juridico-policier aussi. » Cet ouvrage a été publié, en son temps – l’avais-tu deviné ? –, par le Parti socialiste (PS), qui proclamait, dans sa préface (rédigée par l’excellent M. Mitterrand), son intention d’« emprunter » quant à lui, lorsqu’il serait mis au pouvoir et pour en finir avec la confiscation de la démocratie par « le capitalisme sauvage » et « l’individualisme bourgeois », de suivre un « autre cours – celui de l’autogestion », et d’« édifier » un « État » qui permettrait « à des hommes et à des femmes responsables, là où ils vivent et travaillent, toute forme de centralisme cassée, de décider ce qui leur semblera bon pour eux et la collectivité ». Trente-cinq ans plus tard, des socialistes – MM. Hollande et Valls - sont aux affaires. Totalement soumis au capitalisme sauvage, vautrés dans un centralisme que plus rien ou presque ne différencie du caporalisme, ils se sont également – et fort logiquement – convertis au tout-sécuritaire, dont ils appliquent les recettes, sous le si serviable couvert de la prévention du terrorisme, avec bien plus de brutalité encore que leur parti n’en dénonçait dans les pratiques de leurs lointains devanciers giscardiens, puisque désormais, et pour ne citer que cet exemple, les assignations à résidence ciblent, au nom toujours de « la sécurité des Français », des militant(e)s dont les engagements, environnementaux par exemple, sont jugés dangereux, cependant que les opérations coups de poing et autres interventions policières violentes font désormais le quotidien de citoyen(ne)s assigné(e)s, pour leur part, à leur seule identité religieuse – et musulmane, en l’occurrence. Ce que voyant, l’on pourra, aussi, se replonger dans la contemplation de certaines affiches, point si anciennes, du même PS – comme celle qui proclamait, il y a quelques années, que : « Les socialistes tiennent ce qu’ils promettent. Ils ne promettent que ce qu’ils peuvent tenir. » Ou celle, proprement délicieuse, qui à la veille d’un scrutin, exhortait les électeurs à cet engagement un peu fort : « Ne jouez pas avec les tricheurs. Abstenez-vous. » Chiche ?


1 L’Agression. L’État-Giscard contre le secteur public, Paris, Club socialiste du livre, 1980.

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