Les brèves du n°161

Conte de Noël

Le 8 décembre, un SDF qui faisait les poubelles de l’aéroport de Roissy a touché le gros lot. Un casse parfait – sans effraction, ni violence. Il est 17 h, le quinquagénaire s’appuie par hasard sur la porte d’un local de transport de fonds Loomis, restée négligemment ouverte. Après un moment d’hésitation, il entre, puis en ressort avec un sac dans chaque main. Sous l’objectif des caméras de surveillance, il s’éloigne à petits pas pressés. Le butin est évalué à 300 000 euros ! À l’heure où nous imprimons, l’ex-pauvre hère est toujours dans la nature. Suerte, l’ami ! Que l’argent ne te brûle pas les doigts !

Pour la décence, c’est râpé !

Par Nicolas de la Casinière.

Lulu : 22 ans et toutes ses dents !

Presque la centaine. La Lettre à Lulu, chouette publication nantaise qui depuis 1995 dégomme avec jubilation les pouvoirs locaux et documente avec sérieux leurs errements, sort son n°98-99 (un numéro double pour 3 euros, heureux de vous). Entre autres au menu, une enquête sur une école de top managers du business qui tue, le portrait de deux barbouzes de Pornic ou un retour sur la gabegie du stade de la Beaujoire. Ça ne se rate pas !

Haut le cœur

Par Nicolas de la Casinière.

Décès de François-Régis Hutin, patron de Ouest-France

La cellule de communication élyséenne est en deuil.

Tu ne cracheras point

Lors du mouvement social contre la loi Travail du printemps 2016, Fabien s’oppose à l’expulsion musclée d’un SDF. Plus d’un an après, il se fait serrer lors d’une table de presse anti-Linky du côté de Saint-Gaudens (Haute-Garonne). Les uniformes intiment au militant de cracher son ADN. Refus poli de ce dernier, alors traité de «  gaucho de merde ». Bilan des courses, le voilà convoqué au tribunal pour le 1er mars. Comme le clame l’inculpé : « Qu’ils nous fichent, non merci ! Qu’ils nous fichent plutôt la paix  ! » La pétocheen ligne !1

Petit’ appli d’Noël, quand tu descendra de selle...

Par Fritz.

Solidarité condamnée

Mi-novembre, la cour d’appel d’Aix-en-Provence jugeait quatre retraités qui avaient transporté des migrants dans la vallée de la Roya (voir l’article publié dans le n°160 de CQFD). Le 13 décembre, les juges ont rendu leur décision : la condamnation initiale est confirmée. Tarif ? 800 euros d’amende avec sursis. Pas surpris pour un sou, les papys-mamies solidaires n’ont pas tergiversé longtemps : René, Gilbert, Françoise et Daniel iront en cassation, voire, s’il le faut, devant la Cour européenne des droits de l’homme. « C’est quelque chose d’important, nous explique René. Ce n’est pas juste notre petit cas personnel qui se joue, mais un principe : comment un être humain peut en aider un autre, normalement, sans être condamné. C’est ça le problème. »

Le 8 janvier, un autre procès du même genre se tiendra à Nice. Cette fois-ci, ce sera une militante d’Amnesty International qui sera poursuivie pour avoir «  facilité l’entrée de deux mineurs étrangers en situation irrégulière ». L’association dénonce régulièrement les entorses au droit des étrangers commises par l’État dans les Alpes-Maritimes. Elle souligne que sa militante a simplement récupéré deux jeunes mineurs isolés étrangers au poste-frontière de Menton-Ventimille, côté français, avant de les accompagner, à pied, jusqu’aux locaux de la police aux frontières, pour qu’ils soient pris en charge par l’aide sociale à l’enfance.

Les « dublinés » enfermés en toute légalité

Fin septembre, la Cour de cassation déclarait illégale la rétention administrative des « dublinés », ces demandeurs d’asile que l’État veut expulser vers le premier pays européen où ils ont été enregistrés. En cause, un vide juridique : la législation ne définissait pas assez clairement le « risque de fuite » de ces exilés. Les préfectures ont continué à enfermer dans la plus complète illégalité mais tout de même, cela faisait tache. Alors, début décembre, l’Assemblée nationale a voté un texte légalisant cette pratique. Chers amis brigands, devenez donc ministre ou député : si vous ne parvenez pas à respecter la loi, vous n’aurez qu’à la changer.

Outre-Manche, l’austérité tue

C’est une étude émanant de trois (sérieuses) universités britanniques qui l’affirme : en Angleterre, les coupes budgétaires dans la santé et le social auraient causé quelque 120 000 morts de 2010 à 2017. «  Il n’est pas exagéré de parler de crime économique », affirme Lawrence King, professeur à Cambridge. Pour arriver à cette estimation, les chercheurs ont mis en regard le nombre de morts annuelles et le montant des dépenses publiques. Ils rapportent que de 2001 à 2010, les décès ont baissé en moyenne de 0,77 % par an. Mais à partir de 2010, de sévères contraintes financières ont affecté le système de santé et de protection sociale. Résultat : de 2011 à 2014, le nombre de morts a augmenté en moyenne de 0,87 % chaque année...

C’est en calculant la différence entre le nombre de morts réelles et celui que laissaient augurer les tendances 2001-2010 que les scientifiques sont arrivés à ce résultat. Ils précisent que la surmortalité a principalement touché les personnes âgées et les résidences médicalisées (« care homes »). Le lien entre les décès supplémentaires et les coupes budgétaires «  pourrait notamment tenir à l’évolution du nombre d’infirmiers ».

Licence to kill

En Turquie, les purges vont bon train. Et le pays s’enfonce toujours plus dans l’état d’exception. Le 24 décembre, le gouvernement d’Erdogan a ainsi signé le décret n°696 qui accorde « l’immunité à tous les civils, quelle que soit la nature de leurs actes, dès lors qu’ils agissent au nom de l’antiterrorisme ». Rien de moins qu’un permis de tuer, aux contours mal définis. Celui-ci pourrait profiter aux mercenaires de Sadat, une société privée proche du pouvoir qui s’est donnée pour but de «  favoriser la coopération dans les domaines de la défense et de l’industrie de défense du monde islamique » (Le Monde, 27/12/2017). Quand l’autoritarisme et l’arbitraire étendent leur emprise (pour le plus grand malheur des Kurdes et des opposants), le business sécuritaire n’est jamais loin… Ce qui n’empêche pas le même Erdogan de poser en héraut de la cause palestinienne sur la scène internationale – cherchez l’erreur.

Que cent Big Brothers s’épanouissent !

Dans le hit parade du meilleur des mondes orwelliens possible, la Chine décroche le pompon. Depuis une dizaine d’années, elle confectionne la plus grande base de données planétaire, recensant les profils biométriques de 40 millions de trublions potentiels – travailleurs, migrants, étudiants, musulmans ouïghours ou dissidents. Le pays a aussi mis en place le programme « Big intelligence », qui centralise toutes les informations recueillies par les 170 millions de caméras de surveillance présentes sur le territoire. En attendant pire : 400 millions de caméras supplémentaires doivent être installées dans les prochaines années. Un maillage de contrôle très efficace. Le 13 décembre, il a ainsi suffit de sept minutes aux autorités pour, à partir d’une simple photo, localiser et appréhender un journaliste de la BBC qui voulait défier l’infaillibilité du système de reconnaissance faciale de Guiyang, ville de 4,6 millions d’habitants.

Dernier gadget en date : une application mobile incite les bons citoyens à dénoncer les personnes qui « affectent la stabilité sociale ». « Lorsqu’une information est signalée sur l’application, elle est envoyée vers un centre de commande de “ gouvernance sociale ”, avec des écrans qui permettent de visualiser où se concentre tel ou tel problème », rapporte le site Slate (30/12/2017). La « gouvernance sociale » ! Le grand George n’aurait pas trouvé mieux.


1 Et un article plus complet sur ce sujet est à lire dans le n°162 de CQFD... actuellement en kiosque. Note du webmaster.

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