Le prix du passage à tabac augmente aussi

Depuis que le nouvel Hôtel de police de Lyon est construit, les contrôles d’identité intempestifs sont en recrudescence dans le périmètre. La prolifération des agents de l’ordre fait aussi la prolifération des soi-disants « délits ». À l’audience des comparutions immédiates du lundi 28 juillet, deux jeunes gens sont dans le box des accusés avec deux avocates pour les défendre.

Cinq policiers se sont portés partie civile et sont représentés par un avocat. Dans leur procès verbaux quasi identiques (du copier-coller dira une avocate de la défense), ils se plaignent d’avoir reçus des coups de tête, des coups de poing, d’avoir été menacé de mort et essuyé des insultes. Selon leur version, au soir du 26 juillet, Saïd, menotté les mains dans le dos, aurait réussi à donner plusieurs coups de pied à différents policiers et aurait ensuite tenté de fuir alors qu’Abdelatif aurait essayé d’extraire son ami du véhicule de police avant de mettre un coup de tête à un agent… tout ça sans Interruption temporaire de travail (ITT) pour aucun des plaignants et surtout sans aucune prise sur la réalité.

Les cinq procès verbaux des policiers présents lors des interpellations accusent les deux jeunes hommes du triptyque désormais classique : outrage/rébellion/violences avec un petit « plus » cette fois-ci puisqu’ils ont rajouté « menaces de mort ». Leur avocat réclame pour chacun d’entre eux cinq cents euros de dommages et intérêts, plus le règlement par les prévenus de leurs frais d’avocats.

« Franchement, ils ont fait une bonne histoire qui tient la route… », ironise Abdelatif lorsque le juge l’interroge. Il ajoute : « Il suffit de regarder les bandes des caméras de vidéo surveillance du tram ou de la station de veloV ou d’écouter les témoins. C’est n’importe quoi. Ça ne s’est pas passé comme ça. »

Les deux jeunes hommes nient les faits pour lesquels ils sont accusés sauf les insultes (outrages) qu’ils reconnaissent avoir proférées après qu’ils ont été passés à tabac. Saïd a pu faire constater plusieurs traumatismes par le médecin de garde à vue : contusion à l’épaule gauche, contusion au front et des hématomes sur le corps. Abdelatif a été aussi observé par le même médecin qui a diagnostiqué plusieurs traumatismes, au coude, au bras, au dos, une lèvre inférieure déchirée, l’os du nez déplacé ou cassé, diverses ecchymoses et dermabrasions.

Dans leur plaidoirie, les avocates démontrent sans difficulté que cette histoire a été montée de toutes pièces par les policiers : coups impossibles à porter par les prévenus, absence d’ITT chez les plaignants, copier-coller dans les procès verbaux des cinq policiers, pas d’enregistrement du témoignage de la copine d’Abdelatif pourtant présente lors de l’interpellation, certificats médicaux éloquents pour les prévenus, absence de requête effectuée par le parquet pour visionner les bandes de vidéosurveillance. Les avocates demandent la relaxe ou une peine complètement assortie du sursis pour leurs clients. La procureure a une tout autre vision des faits puisque après avoir écouté les deux prévenus s’exprimer, elle demande la peine plancher pour les deux jeunes tout juste majeurs.

Le Tribunal condamne finalement Saïd et Abdelatif à la peine plancher, c’est-à-dire à un an de prison dont neuf mois de sursis et « deux ans de sursis mise à l’épreuve avec obligation de travailler et d’indemniser » les policiers sans mandat de dépôt. Les deux jeunes hommes ne partent pas en prison au sortir du tribunal mais devront voir avec le juge d’application des peines les modalités d’application de leur peine de trois mois de prison ferme (régime de semi-liberté, jours amende ou TIG).

Avec cette affaire, les cinq policiers ont gagné deux cents euros chacun, plus le remboursement de leurs frais d’avocat (cent euros chacun).

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