Édito

Le djihad, c’est pas lol !

Des basses qui semblent suivre la reptation d’une vipère à cornes. Des clics de souris en guise de pulsation. Défilent des captures d’écran. Aperçu de réseaux sociaux où posent des hommes en treillis et cagoulés. Derrière, l’étendard noir. Pas celui des pirates ni celui des anars  : mais celui des miliciens de Daesh. Kalaches, décapitations, prières. Le puzzle prend forme. 23e seconde  : le lamento d’un chant arabe et ce message qui barre une vidéo de djihadistes enfouraillés  : « Ils te disent  : “Sacrifie-toi à nos côtés, tu défendras une juste cause”. » Le son se déglingue, l’image dérape et propose des scènes d’exécution. Surgit la mise en garde  : « En réalité, tu découvriras l’enfer sur terre et mourras seul, loin de chez toi. » Avec son petit logo interdit au moins de douze ans, on croirait découvrir le teaser d’une nouvelle série diffusée sur Netflix. Erreur. La prod’ nous vient tout droit des services gouvernementaux. Parmi les mesures prises dans les suites des meurtres du 7 janvier, on trouve le site  : stop-djihadisme.gouv. Objectif  : agir contre la menace terroriste et « prévenir une radicalisation violente ». Vidéos pédagogiques et mobilisatrices, numéro vert et formulaire en ligne, le site doit permettre à tout un chacun de repérer les premiers signes de radicalisation touchant un proche, un élève, un membre de sa famille.

Après la grippe aviaire et Ebola, la lutte contre le terrorisme est le nouveau champ des injonctions prophylactiques. Il faut contenir l’épidémie et le corps national doit être prêt à amputer ses membres malades. A ce titre, chacun est invité à épier l’autre avec la plus grande des vigilances  : « Le processus de radicalisation n’est pas toujours visible mais il se traduit souvent par une rupture rapide et un changement dans les habitudes de la personne. » A ceux qui croyaient que la bascule terroriste était avant tout le rejet désespéré d’une assignation sociale coincée entre bullshit jobs et trafics illicites, on répond que tout est affaire de contagion. En 2007, l’Allemagne réussissait à déjouer des attentats terroristes. Droit dans ses bottes, Wolfgang Schäuble, ministre de l’Intérieur, avait déclaré  : « Pour lutter efficacement contre le terrorisme, il faut considérer toute la population comme des terroristes potentiels. » L’accélération de l’agenda sécuritaire nous offre des horizons de cour pénitentiaire. Passé le temps du groggy national et des processions de masse, de nouvelles lucidités « bêtes et méchantes » sont à fomenter.

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