La culture du chiffre

Arrivé trop tard pour paraitre dans le prochain CQFD (qui sort, figurez-vous, ce vendredi 15 novembre 2013), voilà, rien que pour toi l’internaute-lecteur, un peu de « Marseille 2013 n’aura pas lieu ».

Dans le cadre d’une journée de célébration de Marseille-Provence 2013, France-Musique ouvrait son antenne le 9 novembre à quelques personnalités du coin pour livrer à ses auditeurs quelques entretiens. Comme il fallait s’y attendre, ils se résumèrent à une apologie non stop et débridée de cet « événement » qui, selon Jacques Pfister, à créé « une véritable rupture », mais évidemment pas dans le sens où l’entend Keni Arkana. Encore que… Rupture réjouissante vue d’en haut, désolante vu d’en bas. Cela me rappelle ce que disait Walter Benjamin à propos des grands travaux haussmaniens : « Le Préfet Haussmann a rendu Paris étranger au peuple parisien ».

Par Rémi.

« Les Marseillais se sont appropriés différents lieux, 50 à 60 », s’exclamait le correspondant de France-Musique à Marseille. Un million 400 000 visiteurs pour le seul Mucem, dont il signalait quand même que 40% étaient extérieurs à la région PACA. Dont un paquet de Russes et de Chinois. Je ne sais pas quel attaché culturel local surenchérissait en affirmant que Marseille avait ainsi acquis « une nouvelle identité ». Pensez-donc, poursuivait-il, on a « quatre musées dans un même lieu à moins de 100 m les uns des autres, ce qui est unique au monde ». Une aménageuse est venue nous conter combien les chantiers de construction avaient été investis par les travailleurs, depuis l’architecte Rudi Ricciotti jusqu’au maçon en passant par les ingénieurs et les électriciens, qui s’étaient investis avec tout leur savoir-faire pour apporter leur contribution personnelle au grand œuvre. Il fallut aussi supporter un discours consensuel et autosatisfait de la patronne du théâtre de La Criée, émaillé de références à « l’Autre » venu de tous les horizons de l’immigration, à la « participation populaire » et au « mélange ».

Jacques Pfister, dont on rappelait, sans bien entendu en tirer aucune conclusion, qu’il était à la fois Président du Conseil d’Administration de l’Association MP2013 et président de la Chambre de Commerce et d’Industrie, s’est surpassé. Lyrique, il a salivé en égrenant les chiffres de fréquentation : «  huit millions de participants », – sans préciser qui ni à quoi –, « deux millions de touristes supplémentaires par rapport aux prévisions ». Sans compter, comme il fallait s’y attendre, les retombées économiques : « Pour un euros investi, six euros de dépense des visiteurs ». « Dépassés par le succès populaire de l’événement, s’exclamait Pfister, il a fallu accroître l’effort d’encadrement pour éviter les débordements.  »

Restait la question attendue : « Comment gérer l’avenir ? Éviter que l’attention se détourne de Marseille ? » Et Pfister de répondre : « Renouveau, rénovation urbaine. Il faut continuer dans le même sens. » Pour ce faire, « il faut jouer collectivement comme nous l’avons fait : collectivités locales, acteurs culturels et acteurs économiques ». Et « créer chaque année un grand événement populaire d’appropriation, quelque chose qui doit se passerait dans la rue. Cela constituerait une signature internationale » qui confirmerait l’« entrée de Marseille parmi les grandes capitales ». À une autre époque, ce quelque chose qui se passerait dans la rue aurait pu être une révolution. Laquelle renouerait avec la Marseille rebelle chère à Alessi Dell’Umbria, et la referait ainsi rentrer dans l’Histoire en fanfare.

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