Littérature

« Je vis avec la mort et la trahison en essayant de me garder de l’une et de l’autre. »

Journaliste au Canard enchaîné, Sorj Chalandon est aussi un romancier dont un des grands talents consiste à larguer des personnages « ordinaires » dans les cratères fumants de l’Histoire contemporaine. Après le théâtre d’ombre et de guerre irlandais avec Mon traître (2009) et Retour à Killybegs (2011), Chalandon sort Le Quatrième Mur (Grasset, 2013) ou le rêve fou de monter Antigone au cœur d’un Beyrouth en ruines, en 1982, avec des acteurs issus de toutes les communautés libanaises. Rencontre avec l’homme, au Cirque électrique à Paris, le 29 septembre, en marge d’un festival organisé par la librairie Le Monte-en-l’air.

CQFD : Tu es journaliste depuis quarante ans. Tu as même obtenu le prix Albert-Londres en 1988 pour tes reportages sur l’Irlande du Nord. Peux-tu revenir sur ce parcours ?

Sorj Chalandon : Je suis entré à Libération en 1973. J’ai poussé la porte le 15 septembre, après le coup d’État au Chili, avec un dessin. À l’époque, à Libération, il y avait des tables et des chaises vides. Tu t’asseyais et tu demandais si tu pouvais rester, et on te disait : « OK, reste ! » Moi j’étais mao, j’appartenais à la Gauche prolétarienne, qui avait été dissoute auparavant (j’étais contre). Je ne saurai jamais si j’ai renoncé à la violence politique pour des raisons d’intelligence politique ou pour des raisons de lâcheté. Je n’ai jamais fait cette autocritique-là. Ai-je eu peur parce qu’on allait trop loin ou ai-je préféré continuer le combat dans ce journal ? À l’époque, le slogan du journal c’était « Peuple, prends la parole et garde-la. » C’était pour moi d’une force et d’une beauté incroyables. Je ne suis pas entré à Libération pour être journaliste, mais parce que j’avais déposé les armes. À la façon dont Georges, dans Le Quatrième Mur, fait du théâtre parce qu’il a déposé les armes. J’ai d’abord été dessinateur jusqu’à ce que les vrais dessinateurs arrivent. Et là ils se sont aperçus que je ne dessinais pas si bien que ça. J’ai été aussi monteur en pages et quand les professionnels sont arrivés, ils se sont aussi aperçus que je n’étais pas si bon. Donc à un moment donné, j’ai eu le choix entre la porte et la rédaction. J’ai choisi la rédaction, j’ai commencé par le fait divers, puis le reportage et enfin le grand reportage.

Après que la Gauche prolétarienne a été dissoute, les copains qui avaient fait des études sont repartis dans les facs, ceux qui n’avaient pas étudié sont repartis dans les usines et d’autres sont partis dans le décor. J’ai trois de mes copains qui se sont suicidés : Jean-Denis s’est tiré une balle, Pierre-Yves et Yves se sont pendus. Nous luttions, nous militions, nous combattions ensemble. Il y a eu de longs moments de désarroi. Jean-Marc, ouvrier chez Renault, qui était venu chez les maos nous a dit : « Mais vous, vous allez retourner dans vos facs, et moi je fais quoi ? Je retourne chez Renault ? » Il est redevenu ce qu’il était, à l’époque on appelait ça un « blouson noir ». Et Jean-Marc, un jour, a été tué par une patronne de bistro à Thiais, parce qu’il foutait la merde dans le bistrot. La patronne a sorti un fusil de derrière le comptoir et l’a abattu. Donc nous étions cinq copains, cinq combattants, cinq révolutionnaires qui pensions que c’était pour demain, et sur les cinq, quatre sont morts. Ça, c’est des choses que je n’oublierai jamais. Après s’est écrite l’histoire de nos chefs, mais pas l’histoire des gamins que nous étions. C’est pour ça que j’ai été très troublé quand se sont créés les Noyaux armés pour l’autonomie prolétarienne, puis Action directe, parce que j’étais partagé entre deux choses : je comprends ce qu’ils veulent, ce qu’ils disent et ce qu’ils sont, mais en même temps le peuple n’est pas là. Je charge une cohorte de flics, je me retourne, il est où le peuple ? Il n’est pas là, je suis seul, et le fait d’être seul me pose un problème. Non pas un problème moral, mais à quoi sert que je charge si je suis seul ?

Je suis entré à Libération orphelin d’idéologie. Le peuple n’était pas avec nous, il n’avait pas suivi… alors qu’on avait commencé à s’armer pour le grand soir, pour ces grands moments-là. Il a fallu se désarmer, retourner à la normalité… Action directe, ils venaient de ce que nous étions… Pas moi, pas ma génération, mais nous les avons produits. La moindre des choses, ce n’est pas qu’on adhère, mais qu’on ne se pose pas la question de pourquoi ils se sont battus. Que l’ennemi le dise, d’accord, mais que nous le disions, je trouve ça dégueulasse !

À la fin des années 1970, tu te spécialises dans l’international.

J’ai d’abord fait beaucoup de faits divers, parce que je trouvais que c’était l’aristocratie du journalisme. C’est dans les vols, les vols à main armée, dans les viols et dans les crimes que les mots sont les plus forts. Tu as des mots de gauche et des mots de droite à ce moment-là. Dans les pages Économie ou Politique, je peux te montrer des articles, tu ne sauras pas s’ils viennent de Libé ou du Figaro. Pour les faits divers, le choix absolu des mots fait le clivage entre la « bonne presse » et la « mauvaise presse ». À l’époque, il y avait encore la peine de mort. Le fait divers, c’est le lieu de l’information qui est le plus miné. Je suis extrêmement fier d’y avoir appris le métier. Après j’ai travaillé sur l’international.

Tu t’es tout de suite spécialisé dans le traitement du conflit nord-irlandais ?

Oui.

Le Liban également ?

Oui, et après, j’ai suivi la guerre Iran-Irak. Du côté irakien. En Afghanistan, j’étais du côté russe.

Tu étais reporter de guerre ?

Oui. Ce qui est important c’est que le reportage de guerre se fait sur la base du volontariat. Dans aucune rédaction on ne peut t’obliger à aller sur un front de guerre. J’avais envie de me confronter à la guerre et de voir par moi-même, pour comprendre, pour rapporter. J’avais envie d’être là où les choses se passent.

Sans cette peur de ne pas revenir ?

Pas la peur de la mort, mais parfois la peur de ne plus trouver d’intérêt à la paix. J’avais beaucoup de mal – et d’ailleurs il a fallu que je change – après avoir quitté un massacre, comme celui de Sabra et Chatila, à me retrouver dans une rue parisienne avec des gens qui manifestaient pour la retraite. J’avais perdu le sens commun. Or les gens qui manifestent pour la retraite, c’est fondamental. C’est un combat important qu’il faut mener. Quand tu es partagé entre la guerre et la paix, brusquement les problèmes, les embarras, les combats de la paix t’ennuient. Lorsque tu en es là, je pense qu’il faut arrêter la guerre.

Il y a une très forte dimension autobiographique dans tous tes récits. Le pétage de plombs de Georges dans Le Quatrième Mur, quand il revient en France, c’est ce que tu ressentais ?

Oui c’est ce que je ressentais. L’histoire de la glace au chocolat est vraie. Ma fille, qui avait alors quatre ans, a fait tomber une boule de glace par terre et je me suis mis à lui hurler dessus au milieu d’un square. Un vrai drame : un homme crie sur une enfant en lui affirmant qu’elle n’a pas le droit de pleurer pour une boule de glace quand des enfants libanais se font couper la tête à la baïonnette au même moment. Cette scène-là est importante pour moi. À l’époque je me suis dit : « Tu ne peux plus continuer ainsi, tu vas devenir fou. » Mon rôle de père, c’était de sécher les larmes de ma fille. Georges, lui, se dit : « Je n’ai plus rien à faire ici. » D’une certaine façon, il poursuit ce que j’aurais pu faire. Ce pétage de plombs m’a fait arrêter et le fait continuer. Il s’en est fallu de peu pour que je fasse ce que Georges fait.

Je suppose que la scène du tabassage de Georges par les fachos d’Assas est également vraie ?

Oui, j’ai été massacré par des « bûcherons ».

Le personnage de Samuel, dramaturge et metteur en scène grec, a-t-il véritablement existé ?

Samuel Akounis n’existe pas. En revanche, j’ai fait des emprunts à un certain nombre de militants étrangers que nous accueillions à l’époque. La scène de manif où Samuel reproche à Georges de crier « CRS-SS » m’a été inspirée par un militant grec, rescapé de la dictature des colonels. En tant qu’auteur, j’incarne mes contradictions. Samuel incarne mes contradictions lumineuses, tandis que Georges fonce dans le mur. Je suis aussi Marwan le Druze et Antigone.

Par Yann Lévy.

Pourquoi l’Antigone d’Anouilh et pas celle de Sophocle ?

Probablement parce que celle de Sophocle se rebelle contre les dieux. Demander à des chiites, des sunnites, des chrétiens libanais de se révolter contre les dieux me semblait complexe. Et puis c’est une langue datée. Antigone, chez Anouilh, se révolte contre le roi, contre l’autorité moderne. Chacun y voit sa propre résistance. Celle du roi Créon, qui incarne l’ordre et la loi, et celle de « la petite maigre, la petite noiraude ».

Sauf qu’Antigone est fille d’Œdipe et princesse de sang…

Bien sûr. Et si Georges est blessé aux yeux, c’est parce que d’une façon je m’imagine père d’Antigone. J’ai lu le texte d’Anouilh alors que j’étais adolescent, et je n’ai jamais compris pourquoi Hémon n’a pas tué Créon.

Pourquoi il n’a pas tué son père, donc…

Oui, le père qui va tuer sa future femme.

Antigone serait donc une pièce s’inscrivant dans l’histoire de la Résistance. Cela se discute…

Pour moi, c’est une pièce résistante. Bien qu’Anouilh ait dû rendre des comptes à la fin de la guerre. Ce que risque la petite Antigone avec ses mains nues et sa petite pelle pour enterrer son frère Polynice interdit de sépulture par le roi, c’est formidable. Dans la tragédie de Sophocle, Créon ne laisse guère de choix à Antigone. Dans celle d’Anouilh, il laisse à Créon une humanité supérieure. Elle refuse son pardon ; elle fait plus qu’accepter de mourir, elle le veut.

Justement parce qu’elle s’en remet à la loi des dieux et non à celle du roi !

C’est vrai. À un moment, le dieu supérieur réapparaît. Pour moi, cela reste un épiphénomène. C’est d’abord une petite fille qui accepte de mourir pour que son acte de résistance soit reconnu.

Et Imane, ton Antigone palestinienne, a-t-elle véritablement existé ?

Je m’inspire d’une femme que j’ai vue morte, dans cette position-là, à Chatila. Avec sa tache verte sur le ventre. Je ne sais rien d’elle sauf ce fil de fer qui l’attachait, les mouches, et le sang sur les cuisses.

Dans le roman, on retrouve une évocation de la MOI1. Là on entre dans ta propre mythologie, qui croise ton histoire personnelle. Pourquoi ce besoin de faire apparaître Boczov à deux reprises ?

Parce que c’est ma France. Je ne suis pas juif ni fils d’immigrés italiens ni d’antifranquistes espagnols. J’ai eu la chance extraordinaire, à un moment donné, de croiser la route d’Alter Mojze Goldman (1909-1988), le père de Pierre, Jean-Jacques, Évelyne et Robert, et chef des commandos d’action qui ont libéré Villeurbanne. Avec ces gens, j’ai réappris le sens du mot « dignité ». Ils ne se sont pas battus pour eux, mais pour que ma fille puisse manger une putain de glace au chocolat dans un square. Ils me hantent et chaque fois que je peux, j’en parle. J’ai appelé ma fille Mélinée en hommage à Manouchian, j’ai L’Affiche rouge sur mon téléphone portable, j’ai besoin de ces visages pour savoir d’où on vient, grâce à qui nous sommes là et pour ne pas que cela se reproduise. Alter Mojze Goldman est un juif polonais qui n’a pas fui la Pologne parce qu’il avait peur de la répression antisémite mais pour aller se battre. Il est allé vivre en Allemagne avant la montée des nazis. Il m’a raconté les manifestations pour Sacco et Vanzetti. Comment, très jeunes, armés de bâtons, avec une trentaine de jeunes Juifs, le Parti communiste allemand les a empêchés d’en découdre. Le lendemain, la radio annonçait des émeutes à Paris, et il s’est dit : « Mon pays, c’est celui-là. » Il est venu se battre au nom d’une certaine idée de la dignité. Cela me hante littéralement, pas comme des grandes ombres ou des statues. Mes héros à moi sont sur une affiche, il y a très peu de rues à leur nom, ils n’étaient pas des nôtres. La France libérée les a cachés.

Quel était le nom du groupe d’action de Lyon-Grenoble ?

Carmagnole-Liberté. J’ai fait des repas avec ces petites gens. Ils m’expliquaient, avec leur accent prononcé, comment ils avaient tiré sur un soldat, ou parfois n’avaient pas tiré parce qu’ « il était de dos », ou que c’était un gamin. Ce sont des choses qui m’habiteront jusqu’à la fin de ma vie. J’ai 61 ans, je vis avec cela depuis des années. Je ne me départirai pas de ces noms, de ces visages et de cette loyauté à la dignité.

Je poursuis avec la Résistance. Dans La Légende de nos pères (2009), le père est un personnage surprenant. Dans ce récit, tu t’identifies au personnage de la fille.

Absolument. Mon père m’a fait croire qu’il avait été résistant. Alors que le père de l’autre (celui de mon copain Alain Frilet, le livre est dédié à Alain), était l’un des chefs du commando Vengeance. C’était le chef d’un grand mouvement de résistance, qui est parti sans parler, qui est rentré en disant simplement : « J’ai fait ce qu’il fallait. » La Légende de nos pères, c’est la légende de mon père, c’est celle du père d’Alain Frilet, qui est comme mon frère, le seul Français à avoir fait de la prison pour appartenance à l’IRA. C’est lui qui m’a amené à l’Irlande, et j’avais besoin de ces deux destins croisés : l’homme qui parle et qui n’a pas fait ; et celui qui se tait et qui a fait. J’avais besoin de brouiller les pistes. Mon père a cru que je lui rendais hommage parce que le narrateur est le fils du vrai résistant…

Pourquoi cette hantise de la trahison, qu’on retrouve aussi dans Mon traître (2008) et dans Retour à Killybegs (2011) ?

Cela me hante parce que mon père m’a menti, parce qu’un de mes meilleurs amis en Irlande était un traître, donc je suis fissuré par ces mensonges. Je suis un enfant sans traces, je n’ai pas été élevé avec un socle solide. J’ai manqué d’amour, j’ai manqué d’assurance, je connaissais les poings, pas les caresses. La trahison, c’est quelque chose qui me suit et c’est ma pire crainte. Je vis avec cela sans cesse, trahir un combat ou trahir un ami. Si je suis en retard à un rendez-vous, cela me panique, j’ai un sentiment de mini-trahison. J’ai beaucoup pris sur la gueule avec la trahison, enfant et adulte. Je vis avec la mort et la trahison en essayant de me garder de l’une et de l’autre, c’est invivable.

Tu es l’auteur de six romans. Pourquoi as-tu commencé à écrire si tardivement en qualité de romancier ?

Parce que je n’en ressentais pas le besoin. J’écrivais déjà. J’ai eu envie d’écrire le premier, Le Petit Bonzi (2005), parce que j’étais un enfant très bègue.

C’est déjà un livre où tu te racontes…

Je raconte l’histoire de Jacques pour protéger mes parents. J’ai attendu 2005 pour raconter la douleur d’être enfant, écolier et bègue, pour raconter la douleur de la solitude. Cela ne m’a pas libéré du bégaiement, mais de la surprise des autres quand ils m’entendent. « C’est normal, se disent-ils, il a écrit un livre sur ce thème. » J’ai ensuite écrit Une promesse (2006), qui relate l’histoire de six enfants de Mayenne qui se font une promesse : quand la mort viendra prendre l’un d’entre eux, ils feront tout pour l’en empêcher. Le récit débute alors qu’ils sont vieux et que la mort rode. La promesse dure dix mois, jusqu’à ce que l’un d’eux finisse par craquer et que finalement ils fassent leur deuil. Ce roman a eu le prix Médicis. J’ai trouvé ça assez “dingue” parce que ce n’est pas un livre nombriliste ou parisien, c’est un livre qui parle de fraternité et de loyauté.

Après, tu le sais, il y a eu la trahison, l’Irlande. Depuis, j’enchaîne des choses en raison de l’urgence, mais désormais, à l’heure où nous parlons, je n’ai plus d’idée. Peut-être qu’il y aura quelque chose ou peut-être qu’il n’y aura rien.

En quoi ton histoire et les combats que tu portes nourrissent-ils ton style qui me semble de plus en plus emphatique et lyrique ? De plus en plus imagé.

C’est ton analyse, mais j’espère que ce n’est pas vrai, je n’aime pas l’emphase.

Tu crois qu’on peut faire plus emphatique qu’Antigone ?

C’est vrai. Mais Le Quatrième mur n’est pas gonflé d’orgueil. Ce que j’essaie, c’est d’aller à l’os des mots. Je veux aller vers une langue où il n’y a plus de place pour rien, donc vraiment l’os. Avec des phrases courtes.

Oui, mais ça, c’est ton écriture journalistique…

Non, c’est aussi mon écriture littéraire, j’espère. Je ne parle pas des « nuages moutonnants se dirigeant vers l’horizon lointain ». Pour moi, le mot « nuage » se suffit à lui-même. Je souhaite que le mot ne perturbe pas, ne vampirise pas le propos.

Tu ne peux pas nier que ton écriture est très imagée !

Oui, mais elle est imagée à l’essentiel. Si tu offres l’entrée de Sabra et Chatila à quelqu’un qui a des mots de trop, cela te donne TF1 et un reportage à gerber. Et Quatre heures à Chatila, de Genet ?

Je me demande s’il n’y avait pas des mots de trop.

Quels sont les livres et auteurs qui t’ont inspiré, que tu as lu et que tu relis ?

Étrangement, Georges Simenon. Il te fait entrer dans les loges de concierges, gravir des escaliers grinçants, aller chez les bourgeois et chez les aristos, chez les putes et les macs, dans les bas-fonds. Et tu y es, et tu sens, et tu entends, il n’y a pas un mot de trop. Je parle du Bourgmestre de Fumes, de Monsieur Hire, de tous ces livres qui ont fait des films tant ils sont visuels. Simenon est un maître capable de faire des livres avec un presque rien qu’il a aimé et observé.

Quel est ton rapport, justement, à l’autofiction ?

Je suis loin de l’autofiction. Je suis loin de la fiction. Certes Georges est mon deuxième prénom, mais…

Antoine Chalons, le petit luthier, narrateur-héros de Mon traître, c’est quasiment l’anagramme de Sorj Chalandon…

Ce n’est pas Sorj Chalandon, le journaliste, qui veut devenir metteur en scène à Beyrouth, même si je suis dans toutes les pages, dans tous les lieux, devant le char syrien (sauf que moi je m’en suis tiré). Je ne suis pas le héros du Quatrième Mur. Le héros, c’est Georges, celui que je ne suis pas devenu.

Deux ou trois titres classiques qui te parlent encore ?

J’ai appris la littérature avec Antigone, L’Enfant et L’Insurgé. Puis Vian, pour la musique des mots. Chez moi on ne lisait pas, donc lire était déjà un acte de résistance. Puis il y a eu Sartre. J’ai lu La Nausée de très nombreuses fois. L’un des plus beaux souvenirs de ma vie, ce fut de voir le Jean-Paul Sartre de ma bibliothèque autour de la table, à Libération. J’ai pleuré en lisant La Nausée, je voulais écrire comme cela.

J’ai été un jeune lecteur traditionnel. J’aime la littérature française et la littérature irlandaise. J’aime les échos familiers. J’ai envie d’apprendre des choses sur ce que je suis et d’où je viens, c’est récurrent. J’ai moins d’appétit pour la littérature scandinave, aussi formidable soit-elle.

Et si je cesse de te parler de littérature, parmi mes grands chocs, il y a eu Le Manifeste du parti communiste et Que faire ? de Lénine. Ce n’est pas un roman, ce n’est pas très drôle. Mais à cette question, la réponse « Indignez-vous ! » ne suffit pas.


1 Main-d’œuvre immigrée : groupes de résistants formés de militants étrangers, encadrés par le Parti communiste et actifs durant la seconde guerre mondiale.

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1 commentaire
  • 21 mars 2014, 15:28, par Emmanuel G.

    Magnifique roman fort justement récompensé par des jeunes tellement il est en résonnance parfaite avec le doute qui s’installe entre la volonté d’agir, l’idéal de combat et la complexité surdimensionnée du monde qui nous est proposée. Sorj est un passeur.

    • 23 mars 2014, 18:06

      Ma copine passe son temps à l’acheter pour offrir. Ces livres sur l’ Irlande sont géniaux. Oh par Toutatis et Fourme ! ...(Je ne mets pas mon pseudo sinon on va me retrouver dans les pages courrier...)

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