L’édito du n°180

Hochet brun

« Les bourgeois ne croisent pas l’immigration. Ce sont les territoires les plus pauvres qui sont le réceptacle. Les classes populaires, elles, subissent le chômage, la pauvreté, mais elles subissent aussi ce sujet. »

Le 16 septembre dernier, Macron a – entre autres immondices – lâché ce vomi devant les parlementaires de sa majorité. Il n’était pas malade, semble-t-il, juste déterminé à impulser un virage « régalien » à son mandat. Il faut dire que le pauvre en a bavé ces derniers temps, avec tous ces méchants Gilets jaunes qui font rien que le taxer d’être à la solde du patronat. Alors il fallait trouver quelque chose, un truc bien facile et rémunérateur. Et bim, l’idée magique : taper sur les immigrés.

Certes, la recette est vieille comme l’immonde. Les exemples fourmillent : Sarkozy s’appuyant sur son Buisson ardent pour dupliquer le FN, feu Chirac (quelle perte, mes aïeux) déplorant le « bruit et l’odeur  » des envahisseurs, Rocard chouinant qu’ « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde »... La Rance éternelle vous salue bien.

Mais cette fois-ci, Macron a innové, disruptant le vieux fonds de commerce poujadiste via un tour de passe-passe bien fourbe, opéré en trois étapes. 1) Développer un discours raciste. 2) Le mettre dans la bouche des plus pauvres (que par ailleurs il entube bien violemment). 3) S’étonner des critiques – Eh oh, j’suis pas raciste, j’dis ce que pensent les gens qui galèrent, t’as vu.

Des saillies qui tombent dans le réceptacle d’un terreau xénophobe déjà vivace. Entre les débiles qui pleurent sur les plateaux télé que les salauds d’immigrés profitent de l’Aide médicale d’État pour se payer des gros nibards et les habituels souffleurs d’islamophobie qui surfent sur la Une des hebdos (wesh Marianne, t’es à gerber), la chasse est ouverte. Et elle n’est pas prête de s’éteindre : début octobre, dans les jours qui suivront l’impression de ce canard à l’imprimeur, l’Assemblée accueillera un débat sur le sujet, censé répondre aux grandes frayeurs des Français, résumées en ces termes par Macron : « Nous sommes une terre d’immigration. Cela crée des tensions, mais il faut le regarder en face. »

Et puisque le débat vrille vers les bas-fonds, on préfère l’élever en citant cette remarque récente du socio-démographe Patrick Simon : « Dans un texte de 1977, Tewfik Allal et ses collègues proposaient la notion de “fonction miroir” pour qualifier le rôle joué par l’immigration dans les débats publics : ce dont les immigrés seraient responsables révèle en creux les crises et dérèglements de la société. Une fois le débat lancé, les politiques assurent qu’eux-mêmes ne perçoivent pas l’immigration comme problématique, mais qu’ils sont bien obligés de répondre à leurs électeurs… Tout cela est totalement construit : les préoccupations récentes des Français concernaient plutôt les retraites, le chômage, l’éducation et la mobilité sociale. »

« Effet miroir », ça sonne bien. Et on a très envie de conseiller aux vils souffleurs de haine d’en utiliser un, de miroir. Qu’ils voient l’étendue de leur bassesse. Comment il a dit déjà, Macron ? Ah oui : « Il faut le regarder en face. » Ce grand rictus taché de brun.

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