Pas un début d’accord, d’accord

Femmes de chambre en lutte à Marseille : encore et encore

Le 11 septembre, si rien ne bouge d’ici là, elles entameront leur sixième mois de grève. Les femmes de chambre de l’hôtel de luxe NH (Marseille 2e), employées par le sous-traitant Elior, ont passé un été combatif. Après l’échec des négociations en juillet, elles continuent. Éreintant mais pas déprimant.
Par Laura Pandelle

Par la fenêtre du premier étage, une tête passe. En bas, on s’agite. Des sourires sont échangés, des nouvelles données.

« Ça va ?

Ça va…

Ça se passe comment ?

Toujours pareil, toujours aussi dur et il manque plein de matériel  ! Par contre, celles qui ont fait la grève font un peu moins de chambres qu’avant. »

Des gestes de mains, et hop  !, la tête disparaît. En bas, Elisandra, Leila et Ana, trois grévistes, devisent. Celle avec qui elles viennent de s’entretenir est plus qu’une collègue de travail : c’est une acolyte de lutte, une avec qui la grève a commencé le 11 avril dernier. En août, avec deux autres, elle a repris le travail. Sur les trois, deux, plus âgées, étaient épuisées par le conflit. La dernière, de nationalité étrangère, devait dans l’urgence avoir des fiches de paye à fournir à la préfecture. Presque cinq mois plus tard, sur les onze de départ, restent donc huit grévistes. « On est fatiguées mais ça va, toujours motivées, nous confie Elisandra. Ça a été un peu dur, surtout à cause de la chaleur », détaille Leila.

Tous les matins, avec des soutiens, elles viennent devant l’hôtel pour se faire entendre. Après un printemps et un début d’été très agités, notamment en raison de la forte présence et répression policières, qui avait mené à plusieurs gardes à vue, la fin du mois d’août est un peu plus tranquille. Une table, quatre chaises, deux banderoles. En deux heures, trois passants glisseront un billet dans la caisse de grève. Les soirées de soutien continuent, les rendez-vous militants aussi.

Quelques jours auparavant, une action a été menée devant un autre établissement du groupe NH, le NHow, situé sur la corniche, au sud de Marseille, quartiers cossus. Peu de monde mais de la voix et… des policiers, venus, eux, en masse. Lara, salariée de la CNT-SO, où sont syndiquées toutes les grévistes : « Quand on vient ici, ça a plus d’impact, on espère que la direction de ce NH fasse pression. » La syndicaliste aussi est fatiguée, mais optimiste. La caisse de grève se maintient et les grévistes ont pu toucher l’équivalent de leur salaire pour le mois d’août.

Surtout, il y a eu aussi des actions en dehors de Marseille. Après un tour à Madrid en juin, une délégation s’est rendue à Toulouse, notamment pour une intervention lors des universités d’été de la France Insoumise. Elles y ont rencontré les femmes de chambre de l’Ibis Batignolles (Paris), employées par le sous-traitant STN et en grève depuis mi-juillet. Ensemble, elles ont manifesté devant un hôtel du groupe Accor1. Cette grève parisienne, lance Leila, « ça donne envie de continuer ».

Le sous-traitant dégagé ?

Car pour l’instant, malgré les soutiens et la combativité, la situation est bloquée. En juillet, la médiation préfectorale a échoué2. Face à des revendications larges (treizième mois, majoration de 50 % le dimanche, deux jours de repos consécutifs par semaine, meilleure rémunération, conditions de travail plus dignes), Elior a proposé une prime unique de 500 euros : méprisant pour les grévistes qui ne se font plus d’illusion sur la capacité du sous-traitant à faire un pas significatif. Leila : « Après tous ces mois de grève, on ne peut pas s’arrêter comme ça. »

Alors, pour elle comme pour Elisandra, Ana et les autres, l’espoir repose donc plus que jamais sur la direction de l’hôtel. À la fin de l’année, le contrat avec le sous-traitant doit être renouvelé. Ou pas.

Margaux Wartelle

Pour abonder à la caisse de grève, gérée par la CNT-SO, on peut se rendre sur le site LePotSolidaire.fr, rubrique « Caisse de grève sous-traitance hôtelière en lutte »


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1 Propriétaire des hôtels Ibis.

2 À La Provence (23/08/2019), Elior a déclaré que les négociations étaient toujours en cours.

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