Démocratie sociale chez Fiat

Droit du taf à la casse

En finir avec des conventions collectives étouffant l’innovation et redonner une éthique du travail, voilà résumé le « plan Marchionne », du nom d’un capitaine d’industrie italien que la plupart des grands maîtres chanteurs reconnaîtraient comme l’un des leurs.
par LL de Mars

Les livres d’histoire se souviendront de Sergio Marchionne, le nouvel administrateur délégué de la Fiat, comme de l’homme qui a introduit la démocratie directe dans les relations entre patrons et ouvriers. En juin 2010, à l’usine Fiat de Pomigliano, près de Naples, et en janvier 2011 à celle de Mirafiori, à Turin, berceau des luttes ouvrières, il a repris la méthode qui lui avait permis de redresser la société Chrysler et la banque SGS de Genève. Objectif : sauver l’industrie automobile italienne, rien que ça ! Il n’a pas été voir les élus locaux, ni cherché un accord avec les syndicats, mais s’est adressé directement aux travailleurs. Il leur a dit que ça ne pouvait plus continuer ainsi, qu’une nouvelle ère avait vu le jour avec la mondialisation, et qu’il fallait s’adapter aux changements, et bla-bla-bla. Mais, contrairement aux autres patrons, il a choisi la voie du « rien ne vous est imposé, tout vous est proposé ». Ainsi les trois pauses, de quinze minutes, seraient réduites d’un tiers ; le temps de travail posté serait augmenté, jusqu’à onze heures d’affilée ; les arrêts maladie trop proches de jours fériés ne seraient plus payés ; les signataires du nouveau contrat ne pourraient pas faire grève et les grévistes seraient soumis à une sanction disciplinaire allant jusqu’au licenciement ; les organisations syndicales qui n’auraient pas signé l’accord proposé – comme chez les métallos de la FIOM, ou les Syndicats de base – ne pourraient plus exercer leurs fonctions… Enfin l’adhésion à ses « propositions » serait soumise à un référendum parfaitement démocratique puisqu’en cas d’acceptation de l’accord par les salariés, plusieurs centaines de millions seraient investis et en cas de refus, l’usine serait délocalisée en Serbie…

Le 14 janvier dernier, enthousiastes à l’idée de pouvoir donner leur avis sur ce nouveau contrat dans leur entreprise, 94,6 % des salariés ont participé au vote. Les partisans du « Oui » l’ont emporté à 54,3 %. Quant aux minoritaires, 45,7 % des voix rassemblant principalement les ouvriers, si les nouvelles conditions de travail ne leur conviennent pas, ils savent où trouver la porte puisque la nouvelle entreprise née des cendres de la vieille Fiat n’emploiera désormais que les signataires du fameux contrat.

Le 28 janvier 2011, les métallos se sont mis en grève dans de nombreuses villes contre le chantage de Marchionne. Les Syndicats de base, soutenus par des précaires, des émigrés, des étudiants, les ont accompagnés dans la rue, scandant le slogan « Unis contre la crise ! » qui avait rythmé la manifestation du 14 décembre 2010 marquée par de très violents affrontements avec les forces de l’ordre.

Quant aux patrons des autres entreprises, ils ont tout de suite flairé la bonne arnaque et l’on voit déjà fleurir des référendums pour imposer aux salariés des « contrats sur mesure ». Et la grande presse économique, type Financial Times, The Economist ou Les Échos ne perd pas, elle non plus, une miette de la nouvelle donne transalpine.

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Paru dans CQFD n°86 (février 2011)
Par Fabio Cerquellini
Illustré par L.L. de Mars

Mis en ligne le 28.02.2011