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Dans « PQR », il y a « PQ »

C’est une affaire hallucinante. Un bad trip kafkaïen qui voit Jules Panetier, jeune militant montpelliérain, pris dans la trappe d’un acharnement policier, avec en toile de fond le titre de PQR1 Midi Libre et un site identitaire qui font la claque.

Manifs contre la Loi travail, ZAD du quartier populaire des Cévennes, squat de l’ancien cinéma Le Royal : Jules est de tous les bons coups. Parallèlement, le militant tient la plume dans Le Poing, journal sauvage distribué à la criée. Après un intermède numérique de quelques mois, le canard renoue avec sa version papier, en janvier 2017, pour un tirage mensuel de 2 000 exemplaires. Objectif du brulot ? « “Visibiliser” les alternatives aux politiques capitalistes », résume Jules. À trop multiplier ses participations dans les fronts de lutte, l’homme subit des coups de pression de la bleusaille. Genre « Fais gaffe à ton cul. Bientôt on va te faire tomber ».

Et il est tombé, Jules. C’était le 1er juillet dernier lors de la venue chahutée de Valls Premier ministre à Montpellier. 48 heures de garde à vue, comparution immédiate, on connaît le scénar bien huilé. Chef d’inculpation : outrage à agent commis par téléphone. Coup de marteau : deux mois ferme à Villeneuve- lès-Maguelone. Le journaliste Jean-François Codomié était aux premières loges de cet avatar de justice expéditive. Dans l’édition du 5 juillet du Midi Libre, on lira son compte-rendu tout en nuance. La titraille a un sacré goût de fumé : « Ivre, l’indic aurait menacé le policier et ses proches ». Tout se passe la nuit de la fête de la musique, le portable de Jules se balade entre plusieurs mains. Dans le répertoire téléphonique, quelqu’un repère le numéro d’un flic des RG. Un message tout en finesse est laissé au policier : « Bientôt, tu es mort ! Je baise ta femme et je viole tes enfants ! » Que foutait le numéro du flic des renseignements dans le bigo de Jules ? Pour le Midi Libre, c’est clair : le militant était un indic. La réalité est plus prosaïque : Jules avait été contacté par le policier et n’avait pas effacé le numéro. Jules : « Qui ne connaît pas ce RG à Montpellier ? Tous les militants l’appellent “Roger”. Midi Libre m’accuse de balance ; heureusement à Montpellier, personne n’y a cru. L’article a été écrit par un journaliste de droite qui avait déjà essayé de faire passer un ami, arrêté dans une manif, pour un SDF. Gratuitement. De manière générale, ses articles sont un mélange de mépris et de mensonge. Un exercice de marginalisation médiatique. »

Jules peut bien hurler que ce n’est pas sa voix qu’on entend sur le message. La justice n’a pas jugé bon de produire la pièce à conviction lors de l’audience de cet « anarchiste d’opérette », selon les bons mots du parquet. Et le localier n’a pas jugé bon de pousser quelques investigations, se faisant le simple échotier d’une justice à charge2. Le 17 juillet, c’est le site identitaire Lengadoc- Info qui recyclera l’intox autour de cet « indicateur du policier » qu’il aurait menacé de mort3. Quelques mois auparavant, le même site facho avait lâché sa glaire sur le militant, décrit comme un « habitué des appels à la violence ». Des crânes rasés qui relaient la PQR et fraternisent avec les képis pour casser du gauchiste : le ton est donné dans ce climat de guerre sociale. À sa sortie de zonzon, Jules reprend pied dans les luttes sociales. Avant de se refaire serrer dans la rue en novembre. Il nous résume : « Au commissariat, je réalise que les flics sont persuadés que je contrôle tout. Je suis la bête de foire. Beaucoup d’entre eux me prennent en photo, sortent de leur bureau : « Ah c’est lui !” 48 heures de garde à vue pour des faits d’outrage ! Lors de l’entretien avec l’OPJ, je lui dis : “Vous savez très bien que tout ça est politique. Je me fais arrêter le 17 novembre pour avoir insulté un policier le 15 septembre, et le 26 octobre, pour deux jours de manifestations ! Tout ça est mensonger et politique. Vous n’avez rien contre moi.” Il me dit : “Tout ça, on le sait, mais je ne suis que le pion d’un système plus vaste.” » Obligé de pointer au comico deux fois par semaine, le militant a interdiction de rentrer en contact avec les flics « outragés ». Sauf qu’il ne sait pas qui ils sont. « Alors que eux essaient régulièrement de rentrer en contact avec moi par des coups de pression ! De fait, je suis assigné à résidence », explique le jeune homme. Prochaine audience le 30 mars.

Sébastien Navarro
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