Séries TV / S01E02

Da Vinci (bien) crade

Previously dans Ciquiouèfdi 1, j’avais parlé de The night of, rare série US à faire porter les causes du cauchemar américain sur le système lui-même et non sur les individus déviants ou mauvais. Cette fois, nous allons porter notre regard sur le paradoxe True detective… saison 2.

Juin 2015. La suite de True detective sort sur les petits écrans. Après une première saison couverte de louanges par les critiques et les spectateurs, l’attente est immense… Peut-être trop ? Les records du premier épisode passés, l’audience s’effrite et les critiques se font moins laudatives (Télérama parle « d’échec quasi général »). Mais, pour ce qui relève de l’analyse politique, la seconde saison est bien supérieure à la première et n’est pas sans rappeler l’actualité récente. Et c’est ce que nous allons voir de ce pas ! Générique : True detective, saison 2. Créée par Nic Pizzolatto, produite pour la chaîne HBO. Avec Colin Farell, Rachelle MacAdams, Vince Vaughn. Chanson du générique : Nevermind de Leonard Cohen (RIP).

L’excellente première saison se déroule dans une Louisiane poisseuse où nous suivons, à travers le bayou et les années, la poursuite d’un tueur particulièrement sadique par deux policiers que tout oppose, comme il se doit. Le montage, à travers des flash-back, est brillant, le suspens efficace, les acteurs (Matthew McConnaughey et Woody Harrelson) très bons… Mais, si ce n’est la forme et quelques critiques contre la main mise des églises sur les écoles pauvres, cette première histoire reste des plus classiques. Et à la fin, le flic matérialiste trouve Dieu et l’assassin se révèle bel et bien être un dangereux psychopathe, incestueux, laid, méchant… monstrueux. Sa mort rétablira l’ordre américain – si ce n’est divin.

Pour la seconde saison, on ne fait pas que changer de décors en se transportant en Californie, dans la ville fictive de Vinci. Cette fois, l’histoire suit trois flics et un mafieux enquêtant sur la mort d’un haut fonctionnaire corrompu aux moeurs douteuses. À la place du bayou, des entrelacs d’autoroutes, des décharges, des usines, des zones pavillonnaires miteuses ; à la place des légendes créoles du Sud, un nouveau western où le chemin de fer est au centre de toutes les convoitises.

Vinci, avec ses flics pourris, ses putes, sa coke, son industrie lourde et ses travailleurs sans-papiers, est une ville presque sans habitant qui n’a d’autre fonction que faire du fric pour la petite poignée de magnats, politiciens, hauts fonctionnaires et mafieux, qui se partagent et se déchirent la face cachée de l’économie californienne. À sa sortie, en 2015, certains avaient trouvé ringarde cette saison où, par exemple, le flic homo n’assumait pas sa sexualité, où le maire (de père en fils) aussi sexiste, vulgaire que corrompu ne pouvait paraître que comme une sombre caricature du pire de George W. Bush… L’Amérique, ce n’était plus ça, mesdames et messieurs, au temps d’Obama ! L’Amérique qu’on voulait voir, c’était celle de San Francisco, la tolérante, celle qui élit un président noir, qui commence à penser écolo et qui vote le mariage gay ! À la lumière des récentes élections, je me prends à me demander si True Detective saison 2 ne serait pas, en fait, en avance. Si l’Amérique de Vinci n’était pas celle de Trump ?

Alors certes… certains dialogues traînent un peu en longueur et l’obsession de Nic Pizzolatto pour la paternité est parfois lourde. Mais qu’importe ! Aux veinards qui n’ont pas encore regardé True Detective, je conseillerai de commencer par la saison 2 qui mérite le détour, surtout en ce moment, pour finir en beauté par la saison 1 qui est quand même mieux. Chose qu’il ne faut pas faire avec la série The Expanse pour les évidentes raisons que je vous expliquerai le mois prochain !

Julien Tewfiq

1 « Une bonne nuit en enfer », CQFD n°148.

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