MARSEILLE 2013 N’AURA PAS LIEU

Culture : Rien à voir

« Un pétard mouillé », a avoué Jean-François Chougnet, quelques jours après l’inauguration de l’année capitale1.

Le directeur de MP2013 avait pourtant placé la barre très haut en annonçant que de l’écho de la Grande clameur – gage de la participation du petit peuple au super show – dépendrait le bon déroulement du reste de l’année. Seul succès indéniable de ce 12 janvier, l’affluence populaire. 400 000 badauds auraient déambulé sur le périmètre prévu. « Il n’y avait pas grand-chose, c’est surtout la foule qui faisait le spectacle, raconte José, descendu de l’Estaque « pour voir ». Ces milliers de Marseillais qui se réappropriaient la rue, ça faisait chaud au cœur. » Ironie : l’équipe municipale ne fait pas mystère de son désir de se débarrasser de la moitié de cette foule-là pour attirer « des gens qui payent des impôts ». «  À Marseille, il y a un extraordinaire monument, mais qui n’est pas à visiter, écrivait Henri Bosco en 1970. C’est sa population avec sa mise en scène véhémente et infatigable. » Sur le cours d’Estienne-d’Orves, là où les anges de Studio de Cirque arrosaient la place de plumes blanches, un mauvais esprit râlait au nom de tous : « Hé, jetez-nous plutôt des billets de cinq ! Cent millions d’euros pour une cagade pareille, ils se foutent de nous ! »

L’offre culturelle de ce soir-là ? Rien sur la Canebière, pas grand-chose sur le cours Belsunce, trois fois rien sur le Vieux-Port. Des illuminations « du niveau d’une fête votive », railleront les journaux parisiens. Il faut dire que la plèbe s’était bêtement portée vers le centre historique, alors que MP2013, cheval de Troie de la reconquête urbaine, avait prévu ses animations ailleurs : le long de l’axe Euroméditerranée, entre le centre commercial Grand Littoral et la rue de la République. Problème : leur néo-centre d’affaires, entre Docks de la Joliette et Docks des Suds, est resté désert. Quasiment personne ne s’est rendu sur ces froides avenues pour acclamer le défilé techno-industriel de Sud-Side. Le décalage entre la vérité officielle, martelée par les télés « émerveillées », et la réalité sociale de Marseille sautait une fois de plus aux yeux. À Grand Littoral, il n’y avait que deux navettes prévues pour transporter les habitants des quartiers Nord vers le centre-ville. Peu de bus, et des trains sous haute surveillance – de peur de voir les barbares envahir la scène des festivités. « Le TER de 17 h 45 était plein à craquer, témoigne un passager. Et plein de flics aussi, dont certains la gazeuse à la main. Ils remontaient les wagons en gueulant aux gens de présenter leurs billets et ont fait descendre ceux qui n’en avaient pas. »

C’est ce même soir qu’un couple de Roms et leur fillette de cinq ans ont été éjectés à l’arrêt Saint-Joseph. Les bus circulant mal, une fois sur le quai, la famille voulut rejoindre Saint-Antoine à pied, en suivant la voie, le chemin le plus direct. Un train l’a fauchée, ils sont morts tous les trois. Pour un pétard mouillé ?

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