« Continuons les dégâts ! »

Opter pour les utopies chouettes, c’est aussi veiller à vivre tout de suite des « rapports égalitaires, respectueux et fraternels », ajoutons « jouissifs », dans des groupes autonomes libertaires ponctuels «  transparents et affinitaires ».

Dans Toulouse, années 80, un goût certain pour le sabotage (Le Coquelicot), la craquante Anne Carratié fait revivre avec fougue l’une des mouvances antiautoritaires les plus inspirées de la France post-68, à laquelle nous devons :

– bien des détournements « subversifs, poétiques ou rigolos », d’affiches de spectacles, de chansons, de « manifs académiques », de colloques somnifères ou de panneaux de signalisation sur la route de la transhumance touristique vers l’Espagne franquiste. Même un fourgon de police, pourra-t-on constater, peut-être détourné en étant « changé en panneau publicitaire pour slogans libertaires » ;

– de nombreux faux ayant foutu le bordel, comme un Toulouse Matin ressemblant à s’y méprendre au vrai, où l’ex-maire de Toulouse, Bazerque, dévoile ses micmacs ou comme l’affaire du faux curé qui, pendant un office à la basilique Saint-Sernin, monta à l’autel pour y exhorter les fidèles à en finir avec la religion ;

– beaucoup d’actes gonflagas de réappropriation individuelle et de sabotage anti-EDF (trucage de leurs compteurs, injection d’œufs durs dans le réservoir de leurs véhicules, coulage à pic de leurs péniches) ou anti-jet-set (multiplication surprise des trous dans les terrains de golf).

Mais, on doit encore aux guillerets rebelles toulousains de l’époque bon nombre de grisantes occupations sauvages, comme celle du QG du Parti socialiste de la rue du Taur en 1981, où l’on pilla les réserves de roteuses du bâtiment ; de gratinées provocations mécréantes (une pétroleuse du coin préfigure les Femen en montrant tout d’un coup ses seins au maire Jean Royer) et d’enjoués blocages de train (le hautain Talgo stoppé plusieurs fois, à la western, par des bombeurs masqués anti-nucléaires).

On félicite également les guérilleros ludiques de ces temps-là d’avoir su joliment baptiser leurs associations de joyeux malfaiteurs. Ce furent même les meilleurs en ce domaine. Viva « Clodo » (Comité liquidant ou détournant les ordinateurs) et « Laser » (Les auteurs sont encore recherchés), qui boutèrent le feu aux locaux de C. I. I. Honeywell-Bull et du Centre informatique de la préfecture de Colomiers. Viva le groupe « Arrêt curés », qui fit sauter la statue de Ponce Pilate à Lourdes lors de la venue du pape. Viva les « Enragés de la paresse » murant les portes des Agences pour l’emploi et des Assedic. Viva les flemmardistes de « Grasses Matinées », bousillant les horloges pointeuses. Et tous les autres insurgés ayant su conjuguer l’ire avec le rire. Et puis, bien sûr, viva l’épastrouillant Nouveau Monde amoureux de Charles Fourier, réédité par les Presses du réel.

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